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Ces acteurs français des cryptos piégés par l'UST

Ces acteurs français des cryptos piégés par l'UST

Ces acteurs français des cryptos piégés par l'USTCes acteurs français des cryptos piégés par l'UST

L'effondrement de l'UST a fragilisé plusieurs fournisseurs de services cryptos qui proposaient du rendement.

Just Mining n’est évidemment pas la seule entreprise concernée. D’autres start-up tricolores, mais aussi étrangères, étaient exposées à l’UST dont la capitalisation atteignait encore 18 milliards de dollars début mai avant qu’il ne perde sa parité avec le dollar (il vaut actuellement 90% de moins). Selon plusieurs sources, le géant américain Celsius, qui n’a pour l’heure pas encore communiqué, pourrait lui aussi avoir été pris dans la tempête.

Pour bien comprendre ce qu’il s’est passé, il faut rappeler que le stablecoin algorithmique UST était l’une des stars du moment sur les marchés. Il y a encore quelques semaines, vous pouviez le déposer dans le protocole Anchor contre un rendement annuel de 19,5% 🤑. Un taux imbattable dans la finance décentralisée (et à peu près partout en fait…).

Pendant des mois, des entreprises cryptos ont proposé à leurs clients des produits de rendement sur stablecoins avec des taux alléchants grâce à un système simple : ils convertissaient en UST une partie des stablecoins dits “sûrs” (USDC notamment) confiés par leurs clients, ce qui dopait la performance globale. Une mécanique qui s’est évidemment enrayée lorsque l’UST a perdu sa parité avec le dollar et a commencé à s’effondrer à partir du 7 mai.

Pour la quasi-totalité des acteurs que nous avons interrogés, les risques de l’UST étaient bien identifiés, notamment à cause des performances hors normes qu’il procurait. C’était “trop beau pour être soutenable”, rembobinent aujourd’hui certains.

Just Mining a communiqué mercredi 11 mai sur l’ampleur des dégâts, en annonçant un plan d’indemnisation “exceptionnel” : chaque client sera couvert à hauteur de 1250 dollars. "Ce qui signifie que 73% d’entre eux n’encaisseront aucune perte", assure Owen Simonin, le patron de l’entreprise basée à Metz. Rien ne contraignait légalement Just Mining à indemniser ses clients. 

1,4 million d’euros pour limiter la casse

Selon nos informations, le plan de “sauvetage” a coûté un peu plus de 1,4 million d’euros à la start-up, qui fait figure de poids lourd de l’écosystème en France (65.000 clients au total pour l’ensemble de ses produits). Cette somme représente environ “un tiers du trésor de guerre de l’entreprise”, concède Owen Simonin. Ce dernier reconnaît aussi que l’entreprise devra renforcer sa trésorerie pour rester en mesure d’investir.

Un temps imaginée du côté de Just Mining, l’éventualité d'aller chercher de l'aide auprès d'un acteur aux poches pleines a finalement été écartée. “D’autres ont été touchés par la situation à plus ou moins grande échelle, du moins tous ceux qui traitent des volumes importants sur la DeFi", souffle l’entrepreneur. “Nous n’avons pas encore eu l’occasion de débriefer avec l'ensemble de ces structures essentiellement internationales. Elles étaient toutes dans l’urgence et très peu disponible”, témoigne-t-il.

Tout est-il pour autant réglé ? Si Just Mining semble avoir circonscrit l'incendie, il n’est pas exclu que d'autres entreprises soient elles aussi contraintes d'annoncer des pertes. Selon plusieurs sources, les analyses des flux sur la blockchain seraient parfois en décalage avec la communication officielle. “Beaucoup de sociétés qui proposent du yield (rendements sur cryptos, ndlr) vont sûrement essayer de lever des fonds pour contenir leurs pertes, si demain tous les utilisateurs décidaient de retirer leur argent, on risquerait d’assister à des choses terribles”, s’inquiète Anthony Lesoismier, cofondateur de Swissborg.

Même son de cloche pour une source proche de l’Autorité des marchés financiers (AMF) : “S’il y avait eu, comme dans le monde traditionnel, une obligation de restitution des fonds, plusieurs acteurs cryptos auraient pu faire faillite”.

Près de 1000 clients n’ont pas pu être couverts

Si les plus "petits" clients de Just Mining ont été finalement épargnés, ce n’est pas le cas des plus “gros” dont les pertes dépassent 1250 dollars. Un peu plus de 1000 d’entre eux, sur 4000 positionnés sur le lending, ont été impactés par la chute de l’UST et l’exposition de l’entreprise. “Une cinquantaine de clients sont mécontents, mais la majorité de ceux qui ont accusé des pertes avait conscience du fonctionnement du produit et des risques associés”, insiste Thibaut Boutrou, directeur des opérations de Just Mining. “Ceux qui nous font des reproches n’avaient pas bien compris le mécanisme”, indique le numéro deux de la start-up. "Nous allons continuer à être encore plus exigeants sur la transparence et l’éducation de nos clients. C’est important si l'on veut que l’écosystème se développe”.

Just Mining n’a jamais caché son exposition à l’UST dans la fiche descriptive de son produit. Lorsqu’un client envoyait des stablecoins "sûrs" à l’entreprise, ceux-ci étaient susceptibles d’être convertis en UST et donc soumis aux risques associés. “Cela peut paraître facile d’affirmer a posteriori qu’il ne fallait pas toucher à l’UST, mais l’écosystème Terra était valorisé à 50 milliards de dollars, il était inconcevable de ne pas utiliser de l’UST dans le cadre d’une diversification DeFi”, poursuit Thibaut Boutrou. Avant son décrochage, le ratio d’UST dans le produit de Just Mining était de 37%. Il est ensuite monté à 39,58% sous l’effet de la chute de son cours.

Coinhouse joue la prudence

Au terme de notre enquête, seul Just Mining a communiqué sur des pertes importantes liées à l’UST. Coinhouse, premier courtier français, a informé le 14 mai ses clients que ce stablecoin “n’avait jamais été disponible”, que ce soit sur sa plateforme d’échange ou dans ses “Livrets Crypto” (des produits qui proposent du rendement entre 4 et 5% sur les stablecoins réputés sûrs USDT, USDC et EURL). “Notre équipe a toujours insisté sur le fait que les stablecoins algorithmiques, comme l’UST, nécessitent une approche très prudente”, déclare son patron Nicolas Louvet.

Just Mining a été jusqu’en mars 2022 l’une des sources du courtier parisien pour générer le rendement de ses "Livrets Crypto", mais l’UST ne faisait pas partie du contrat. "Nous avons une grande confiance en Just Mining, qui, comme Coinhouse, est membre de l’Adan (l’association française des entreprises cryptos, ndlr) et enregistré auprès de l’AMF", tient à rassurer Nicolas Louvet. “Nous les connaissons depuis leur création et avons hâte de travailler avec eux sur de nouvelles allocations", poursuit-il.

Feel Mining et Swissborg assurent avoir limité la casse

Un autre français, Feel Mining, affirme n’avoir été affecté qu’à la marge et assure que les actifs apportés par les clients n’étaient jamais échangés contre de l’UST. “Une partie des fonds propres de l’entreprise a pu être convertie contre ce stablecoin, mais nous sommes sortis avant que tout ne s’écroule”, affirme son cofondateur Nicolas Marchesse. Selon lui, Feel Mining aurait essuyé "seulement 7000 euros" de dommages, “rapidement compensés via de l’arbitrage”.

Du côté du suisse, Swissborg, enregistré auprès de l’AMF depuis début avril, la fragilité de l’UST avait été identifiée depuis longtemps. “Nous avons fait partie des derniers à le proposer, car c’était une demande de notre communauté, mais nous ne l’avons jamais mélangé aux autres produits de rendement”, explique son cofondateur Anthony Lesoismier. Autrement dit, on pouvait s’exposer aux juteux rendements de l'UST, mais seuls ceux qui apportaient de l’UST pouvaient en bénéficier. “On était critiqués pour nos taux, mais le choix de ne pas rajouter de l’UST dans le mix de nos produits de rendement traditionnels s’est révélé payant”, indique-t-il. Selon l’entreprise, 7741 clients détenant 23 millions d’UST étaient concernés le 9 mai.

L’AMF somme les entreprises de s'expliquer

Pour un acteur de la place qui préfère rester anonyme, “cette affaire risque de laisser un goût amer à l’AMF”. Le gendarme des marchés a envoyé aux entreprises labellisées PSAN une demande d’informations pour connaître leur niveau d’implication dans l’affaire de l’UST.

Dans la lettre que nous avons pu consulter, l'AMF demande aux PSAN si leur situation prudentielle (leur niveau de solvabilité) a été touchée, si celles-ci détenaient de l’UST en compte propre, si elles l'utilisaient comme pivot de transaction, ainsi que des renseignements sur l’exposition des clients.

Contactée, l’AMF n’a pas souhaité faire de commentaires.

Mais déjà certains s’interrogent sur l’efficacité des PSAN, que plus d'une trentaine d'acteurs crypto ont déjà obtenu. "Il faut vraiment se demander à quoi sert cet enregistrement", interpelle un acteur français de premier plan qui a préféré conserver son anonymat. “Il était assez évident que l’écosystème Terra présentait des faiblesses et la plupart des entreprises bénéficiant du tampon de l’AMF donnaient accès à l’UST, en particulier Binance”, souffle-t-il. Le géant d’origine chinoise dispose du PSAN depuis le 4 mai.

Outre les conséquences financières sur les entreprises et leurs clients, cette affaire pourrait avoir des répercussions sur les négociations autour du règlement européen Markets in Crypto-Assets (MiCA), définissant le futur cadre légal des cryptos, qui comportera un volet sur les stablecoins. Alors qu’il était envisagé d’exclure les stablecoins décentralisés (dont l’UST) du futur texte, ces derniers pourraient finalement faire l’objet d’un traitement beaucoup plus strict…

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