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Haseeb Qureshi (Dragonfly) : "New York est devenue la capitale mondiale de la crypto"

Haseeb Qureshi (Dragonfly) : "New York est devenue la capitale mondiale de la crypto"

Dans une interview avec The Big Whale, le responsable de la stratégie du fonds Dragonfly explique pourquoi, selon lui, les États-Unis sont devenus l'épicentre de l'industrie crypto.

Haseeb Qureshi est le responsable de la stratégie de Dragonfly, un fonds américain qui a déjà investi dans plus de 150 entreprises crypto. Il partage avec nous sa vision du marché et explique pourquoi, selon lui, les États-Unis, et notamment New York, sont devenus l'épicentre de l'industrie crypto.

The Big Whale : Vous travaillez dans l'univers crypto depuis des années. Qu'est-ce qui vous motive le plus ?

Haseeb Qureshi : Je suis convaincu que le monde va changer de manière significative, d'une façon que la plupart des gens ne réalisent pas encore.

Quand j'ai commencé à travailler à temps plein dans la crypto en 2017, c'était avant Libra, les monnaies numériques de banques centrales, la chute de FTX, les poursuites de la SEC et toutes ces histoires. À l'époque, la crypto était encore très marginale !

Ce qui me fascine le plus, c'est de voir comment la crypto, en laquelle je crois réellement, se développe au fil du temps. C'est une chose de savoir qu'Internet est devenu incontournable, ou que les réseaux sociaux sont omniprésents. Mais comment cela s'est-il réellement passé ? C'est comme les grandes batailles de l'Histoire : on connaît le vainqueur, mais les détails de comment la guerre a été gagnée sont souvent inconnus.

Je crois que la crypto va devenir une part essentielle de l'infrastructure financière mondiale. Mais comment cela va-t-il se produire concrètement ? Je ne le sais pas. Être investisseur, c'est ma façon d'avoir « skin in the game » et de montrer que je crois que la crypto va s'imposer.

Quand avez-vous été convaincu pour la première fois que vous vouliez être à temps plein dans ce secteur ? Y a-t-il eu un événement déclencheur ?

J'avais entendu parler de Bitcoin bien avant de vraiment m'impliquer dans la crypto. Mais je le voyais simplement comme un moyen de paiement pour les transactions internationales. Je n'avais pas saisi les implications géopolitiques et financières sous-jacentes.

Le déclic s'est produit quand je travaillais chez Airbnb en 2016-2017. Airbnb paie des gens dans plus de 50 pays, et les utilisateurs pensent que quelqu'un à l'autre bout du monde est payé instantanément quand ils paient par carte. Mais en réalité, il n'existe pas de système qui paie les gens partout dans le monde 24h/24 et 7j/7.

Le système auquel j'avais affaire était un cauchemar : un enchevêtrement de différents systèmes de paiement qui ne communiquent pas entre eux, n'ont pas les mêmes formats, et ne fonctionnent ni 24h/24 ni à l'international. On parle de systèmes créés dans les années 1970.

Quand on voit à quel point un tel système est dysfonctionnel et inadapté au monde d'aujourd'hui — qui est global, numérique et fonctionne 24h/24 — le premier réflexe d'un ingénieur logiciel est de tout jeter et de tout réécrire. De repartir de zéro avec quelque chose conçu pour le monde dans lequel on vit aujourd'hui. C'est là que j'ai réalisé que c'était exactement ce qu'était la crypto.

Comment voyez-vous les choses aujourd’hui ?

Je n'ai jamais cru que nous allions tous nous payer en Bitcoin dans 10 ans. Je pense que c'est une affirmation ridicule. Mais je crois que la façon dont nous utiliserons l'argent dans 50 ans sera très différente de celle d'il y a 50 ans. Et la crypto jouera certainement un rôle dans cette évolution de l'argent.

L’industrie crypto a beaucoup évolué en 10 ans, notamment avec l’arrivée de nombreuses entreprises. Comment trouver le bon équilibre entre une industrie à la base très communautaire et ce prisme aujourd’hui beaucoup plus business ?

L'une des forces de la crypto, c'est son ouverture totale. Certains s'inquiètent du fait que BlackRock, JPMorgan et d'autres grandes banques arrivent dans la crypto. Mais le principe même d'une plateforme ouverte est que n'importe qui peut l'utiliser comme bon lui semble.

Cela signifie que BlackRock peut l'utiliser comme il le souhaite. Et quoi qu'ils fassent, cela ne vous empêche pas de garder vos bitcoins, d'être contre le système financier ou autre chose !

La réalité est que le principe même de l'ouverture est que, si quelqu'un crée une application sur cette plateforme, cela ne vous empêche pas de faire la même chose. Linux était open source et le fait que Google l'ait utilisé pour créer Android n’a jamais empêché les autres d'utiliser Linux à leur manière.

C'est la nature des cryptomonnaies, du bitcoin, d'ethereum et de toutes ces technologies. Personne ne peut vous empêcher d'utiliser ethereum, pas même BlackRock ! Ethereum est actuellement dans un ETF BlackRock, et en parallèle, d'innombrables projets se développent dans la finance décentralisée (DeFi).

Les États ne peuvent-ils pas empêcher d'utiliser et de construire dans l'espace crypto ?

Regardez Tornado Cash qui a été sanctionné par l'OFAC (Office of Foreign Assets Control). Les États-Unis sont le gouvernement le plus puissant du monde, et pourtant des gens utilisent toujours Tornado Cash.

Les États ont un réel pouvoir, il n'y a pas moyen d'échapper aux États, mais la technologie restera toujours là, et les États n’ont qu’un impact national. Si vous êtes américain ou si vous êtes à portée de l'OFAC, vous ne toucherez pas à Tornado Cash. Mais si vous êtes Chinois, peut-être que ça vous est égal.

Si vous êtes dans un pays qui ne respecte pas les sanctions américaines, vous pouvez faire ce que vous voulez.

Quelle est votre thèse ou le sujet principal sur lequel vous vous concentrez dans le domaine des cryptomonnaies ?

Je n'adhère pas à une thèse particulière. Je suis un investisseur qui ne se base pas sur des idées préconçues. Je ne suis pas spécialement enthousiasmé par la DePin, la DeFi, les Layers 1 ou les Layers 2.

Ce qui m'enthousiasme, ce sont les grands fondateurs et leurs idées. Si je rencontre un excellent fondateur qui construit quelque chose dans la DePin ou la DeFi, et que je pense que c'est une excellente idée, j'investirai. L'un des meilleurs exemples est Ethena (un nouveau stablecoin algorithmique, ndlr).

Nous avons mené le tour de table d'Ethena en 2022, peu après l'effondrement de Terra Luna. À cette époque, personne ne voulait toucher aux stablecoins ou à la DeFi. Nous avons rencontré un fondateur, pensé que son idée était excellente, et nous avons investi.

"Qu'est-ce qui est le plus intéressant chez Ethena, selon vous ? Pourquoi vont-ils réussir ?"

Le cash and carry trade, qui est la raison d'être d'Ethena, est l'une des plus anciennes stratégies dans la crypto. C'est une stratégie extrêmement simple qui consiste essentiellement à prêter de l'argent à des personnes souhaitant prendre une position longue (un pari sur la hausse de l'actif, ndlr).

Normalement, pour faire cela, vous auriez besoin d'avoir accès à un fonds spéculatif, ou d'être un trader assez sophistiqué. Mais Ethena a réussi à tokeniser cette transaction et à la rendre accessible à tous !

Ce qui rend ce concept intéressant, c'est qu'il s'agit d'une transaction neutre en delta, ce qui signifie que vous n'avez pas d'exposition longue ou courte à la crypto sous-jacente. Vous n'avez qu'une exposition au dollar et votre rendement dépend du montant que vous obtenez.

On parle depuis longtemps de tokeniser différents actifs, mais cela va prendre un peu de temps. En revanche, on peut déjà optimiser des opérations de marché comme le cash and carry trade.

Toutes les grandes entreprises de tenue de marché le font. Donc il est normal que les gens dans la crypto le veuillent aussi. Alors pourquoi ne pas simplement le tokeniser, le rendre facile, programmatique et algorithmique ? Ensuite, vous pouvez le traiter comme un stablecoin et l'utiliser comme garantie. C’est d'ailleurs exactement ce que Blockchain a commencé à expérimenter avec Ethena.

Quand on parle de crypto et de blockchain, il s'agit très souvent de finance. Pensez-vous que cela restera le cas ?

Si vous regardez tout ce qui a vraiment fonctionné dans la crypto depuis 10 ans, il ne fait aucun doute que c'est un sujet avant tout financier.

Bitcoin a ouvert la voie des paiements numériques, Ethereum a apporté les contrats financiers (smart contracts, ndlr), les ICO sont des levées de fonds, la DeFi concerne les prêts et les échanges, les NFT sont des actifs financiers non fongibles, et cela va continuer.

Comment voyez-vous l'Asie ? Pensez-vous que ce soit le meilleur terrain de jeu pour la crypto ? Que pensez-vous des États-Unis et de l'Europe ?

Je pense que l'Asie est très importante pour la crypto, mais comme l’Europe, ce n’est pas un marché homogène à l’image des États-Unis. On parle souvent de l’Asie comme si c’était une seule entité, alors que chaque pays est très différent.

Si vous prenez la Chine, c'est évidemment un immense pays, mais cela reste compliqué pour la crypto avec des autorités qui soufflent le chaud et le froid.

À l’inverse, en Corée du Sud, environ 25 % de la population détient des cryptos, tandis qu'au Japon, ce chiffre est inférieur à 10 % ! L’Asie du Sud-Est avec le Vietnam ou la Thaïlande est également très différente.

En termes d’utilisation et d’adoption des cryptos, l’Asie dépasse les États-Unis. Cependant, les États-Unis ont plus de capital, donc ce sont plutôt eux qui font vraiment bouger les marchés, comme on l’a vu avec le succès incroyable des ETF Bitcoin. Pour moi, aujourd’hui, ce sont les États-Unis qui sont moteur.

Et concernant l’Europe ? Pendant des années, l’Europe a été considérée comme une locomotive. N’est-ce plus le cas ?

Je pense que l'Europe reste une zone économique importante, mais elle n'a jamais vraiment été aux commandes en matière de crypto. L'Europe a un rôle à jouer, mais certains se font des illusions. Aucun pays européen n’est suffisamment grand pour faire bouger les choses dans la crypto.

En 2017-2018, lorsque le marché était encore très expérimental et de petite taille, l’Europe était en avance, mais depuis 2020, les choses ont changé. Indépendamment des procès de la SEC, les États-Unis ont vraiment pris le leadership.

Certains expliquent que la Silicon Valley a totalement tourné le dos à la crypto et que tout le monde est désormais focalisé sur l’intelligence artificielle. Est-ce vraiment le cas ?

C'est tout à fait vrai. Ces deux dernières années, les choses ont considérablement changé. Il y a encore 2 ou 3 ans, San Francisco était l’une des villes les plus dynamiques dans la crypto, et pas seulement à cause de Coinbase.

Il y a toujours eu beaucoup de start-up crypto dans la région. En 2020, je dirais que plus de 50 % de nos investissements étaient concentrés autour de San Francisco. Aujourd’hui, ce chiffre est plus proche de 5 à 10 %.

Désormais, c’est New York qui est devenue la ville la plus attractive pour la crypto aux Etats-Unis.

Vous voyagez beaucoup. Quel serait votre classement mondial des villes "crypto" ?

Pour moi, New York est clairement en tête du podium. Il y a Wall Street et de nombreuses entreprises crypto. Ce n’est pas un hasard si Circle vient d’y installer son siège mondial.

En deuxième position, je mettrais Singapour, et en troisième, Dubaï.

Donc aucune ville européenne dans le top 3 ?

Non, ou peut-être Londres, parce que Londres reste un centre financier mondial.

Et Paris ?

Je mettrais Paris à la 5e ou 6e place. Il y a un bel écosystème avec de nombreuses entreprises crypto de très grande qualité. Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi un marché dynamique, et à ce niveau-là, l’Europe est un peu en retard.

Il est tout de même incroyable que New York soit pour vous la première ville crypto dans le monde, alors que ces 18 derniers mois ont été particulièrement compliqués pour les acteurs crypto aux États-Unis. Comment l’expliquez-vous ?

C’est une très bonne question. En fait, je pense que pendant des années, la crypto n’était qu’une question de technologie. En 2017-2018, la crypto était un domaine d’ingénieurs, on parlait de tech. Aujourd'hui, c’est devenu un sujet de plus en plus financier. Et quand on parle de finance, il est inévitable de parler de Wall Street.

Si vous êtes un expert en finance, New York est the place to be, il n’y a aucun débat là-dessus.

Avez-vous été impacté par les turbulences sur les marchés en 2022-2023 ? On sait que ce ne sont pas des périodes faciles à gérer.

Je ne m'inquiète pas dans ce genre de période, bien au contraire, je pense qu'il y a de nombreuses opportunités. C’est en 2022, juste après la chute de Terra Luna avec son stablecoin algorithmique, que nous avons investi dans le premier tour de table d’Ethena. Nous avons aussi été parmi les premiers investisseurs dans Monad.

La réalité, c’est que lorsque les autres fonds perdent confiance, c’est le moment d'être agressif. C'est à ce moment-là que les valorisations sont plus basses. Globalement, je suis conservateur quand tout le monde est agressif, et agressif quand tout le monde est conservateur.

Mon métier consiste à trouver les bons fondateurs, ceux qui ont les bonnes idées et l’énergie pour aller au bout de leurs projets. Si j’en trouve un, je vais l’accompagner, quelles que soient les conditions de marché.

Combien d’investissements faites-vous par an chez Dragonfly ?

Je dirais entre 10 et 20 transactions par an.

Combien de personnes travaillent avec vous ? Êtes-vous présents partout sur la planète ?

Nous sommes un peu plus de 45 personnes, réparties à travers le monde.

Êtes-vous présents en Europe ?

Nous avons quelques personnes en Europe, mais nous n'y avons pas de bureau. Nos seuls bureaux sont à Singapour et à New York.

Quel est votre principal objectif pour les 12 prochains mois ?

Honnêtement, mon principal objectif est de ne pas être distrait par les commentaires et les idées négatives qui prolifèrent dans le secteur. Je suis dans cet univers depuis assez longtemps pour savoir qu’il y a des cycles et qu'il faut de la constance.

Ces douze prochains mois, je veux m'assurer de penser par moi-même et de garder l’énergie nécessaire pour continuer à accompagner et à détecter des projets structurants pour l’avenir de ce secteur.

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