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Joseph Lubin : "Les régulateurs européens sont plus malins que les autres"

Joseph Lubin : "Les régulateurs européens sont plus malins que les autres"

Joseph Lubin : "Les régulateurs européens sont plus malins que les autres"Joseph Lubin : "Les régulateurs européens sont plus malins que les autres"

Dans une interview exclusive avec The Big Whale, le cofondateur d’Ethereum et de la start-up ConsenSys revient sur l’évolution de la deuxième plus importante blockchain de la planète et l’offensive récente de la SEC contre l’industrie crypto.

The Big Whale : Il y a un an, beaucoup de gens se posaient des questions sur Ethereum, sur son avenir, notamment avec le passage au Proof-of-Stake. Maintenant qu’il a été réussi, diriez-vous que tous les doutes sont levés ?

Joseph Lubin : Le passage d’Ethereum au Proof-of-Stake a été en effet un événement majeur. Ce changement nous permet d’accélérer sur l’usage, la vitesse et la puissance du réseau. Certains n’ont toujours pas compris que tout ce que nous faisons a un double objectif : augmenter le nombre de cas d’usage et d’utilisateurs d’Ethereum.

La sixième édition de l’EthCC (17-20 juillet) qui s’achève aujourd’hui est un vrai succès avec des centaines de projets et des milliers de participants. Diriez-vous que l’écosystème Ethereum n’a jamais été aussi puissant ?

Je n’aime pas présenter les choses ainsi parce que tout est relatif. Mon objectif est qu’Ethereum, et plus globalement l’écosystème Web3, se développe. Si vous prenez un peu de recul, l’écosystème connaît une croissance exponentielle depuis 2009 et le lancement de Bitcoin.

Nous vivons dans un nouveau paradigme avec cette nouvelle forme de confiance décentralisée. Certains passent beaucoup de temps à vouloir savoir quelle est la blockchain la plus puissante, la plus performante, mais en réalité ce n’est que du marketing.

Justement, en parlant de confiance. Est-ce que les scandales de 2022 n’ont pas affaibli la confiance des gens, surtout du grand public, dans le Web3 ?

Cela a évidemment joué, mais il faut bien distinguer ceux qui ont triché, c’est-à-dire certains acteurs de la finance centralisée comme FTX, de tous les autres qui veulent créer de vrais services décentralisés comme nous. Ces gens ont menti, ont fait du mal à l’industrie, mais ils n’ont rien à voir avec elle.

C’est impressionnant de voir qu’il n’y a jamais eu autant de personnes impliquées dans le Web3, et ce, pour de bonnes raisons. Comme vous l'avez vu, le nombre de projets présents à l’EthCC est impressionnant !

Quels sont les plus gros challenges pour Ethereum et la communauté ?

Je dirais d’abord l’intégration du Proto-Danksharding qui va intervenir dans les mois qui viennent avec la mise à jour EIP 4844. Le Proto-Danksharding va permettre de réduire significativement les frais sur les layers 2 et demain les layers 3. C’est une étape très importante dans le développement d’Ethereum.

L’un des autres gros enjeux est la politique de “burn” (brûler) des ethers. Il faut trouver le bon équilibre. Il y a également le sujet des validateurs. Il faut réussir à mieux décentraliser le système de validation pour éviter que seuls quelques acteurs aient trop d’influence.

Une bataille de l’innovation a démarré sur les layers 2. ConsenSys vient de lancer le sien, Linea. Quel est l’intérêt d’en avoir autant ? Quelles sont les principales différences entre les layers 2 ?

Au risque de vous surprendre, je dirais que ce n’est pas un sujet technologique. La plupart des layers 2 sont en réalité assez performants.

Je pense que la différence se fera essentiellement sur la facilité à développer des applications sur ces layers 2. StarkWare a moins de traction parce qu’ils développent des outils pour différents genres de machines virtuelles, et pas uniquement celle d’Ethereum.

L’autre gros point différenciant va être la communauté. Si vous êtes capables d’attirer des bons projets (gaming, finance, etc) et des utilisateurs sur votre layer 2, alors vous avez gagné.

Le procès qui oppose Ripple à la SEC est très loin d’être terminé, mais un juge fédéral vient de considérer que le XRP n’était pas un “titre financier” dans le cadre d’une vente sur le marché secondaire. Pensez-vous que cela va changer quelque chose pour l’ether qui pourrait aussi être visé par la SEC ?

Il n’y a rien, à ce jour, qui pourrait laisser penser que la SEC préparerait quelque chose de concret contre Ethereum. Gary Gensler a décidé de mener une action assez violente contre l’industrie, et cela a créé beaucoup de doutes et d’incertitudes, mais cette offensive ne pourra pas durer indéfiniment.

Des élus du Congrès américains sont vent debout contre cette approche parce qu’ils ont réalisé que cela est néfaste pour les États-Unis et leur souveraineté.

Gary Gensler ne peut pas décider seul ce qui est un titre financier et ce qui ne l’est pas. Plus globalement, l’ether a déjà été considéré par le passé comme une “commodity” (matière première) par la Commodity Futures Trading Commission (agence américaine chargée de surveiller les marchés des dérivés de matières premières), donc ça ne devrait pas être un sujet pour nous.

Le règlement européen MiCA vient d’être définitivement adopté, et entrera progressivement en vigueur. Que pensez-vous de cette régulation ?

Je pense que les régulateurs européens sont plus malins que les autres. Ils ont compris ce qu’il se passe, et donc ils ne veulent pas que l’Europe passe à côté du Web3 et de ses opportunités.

Ils ont bien compris qu’il ne fallait pas tuer la technologie. Les États-Unis feraient bien de s’en inspirer, même si pour eux il y a un vrai dilemme parce que le développement de la finance décentralisée pourrait affaiblir le système financier américain actuel.

Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans MiCA ?

MiCA est loin d’être parfait, mais l’approche est la bonne parce que l’accent est mis sur les acteurs de l’industrie et pas sur la technologie en elle-même. La technologie crypto ne doit pas être régulée, ce serait une erreur.

Vous parlez de technologies, mais ne pensez-vous pas que le meilleur moyen d’embarquer les entreprises et les utilisateurs c’est de parler davantage des produits et de l’expérience utilisateur ? Uber est connu dans le monde entier pour la facilité d’utilisation de son application, pas pour la technologie derrière…

Vous avez totalement raison, mais Uber n’a pas eu besoin de construire les routes sur lesquelles leurs chauffeurs circulent. Ils ont juste utilisé l’infrastructure existante !

Pour nous, c’est beaucoup plus compliqué puisqu’il faut créer nous-mêmes le nouvel Internet, un internet décentralisé. Nous le faisons par étape, avec des couches différentes. C’est pour cette raison que vous avez les layers 1, les layers 2, les layers 3, qui vont permettre d’avoir une infrastructure plus rapide, plus sécurisée, mais il y a tout à faire, donc cela prend du temps.

Tous les sujets dont je vous parle sont en train de progresser dans la société. L’idée de décentralisation progresse un peu partout, dans le sport, la finance, la distribution... Ce n’est pas un hasard ni nous voyons des marques comme Nike, Starbucks ou LVMH entrer dans le Web3. Il y a aujourd’hui plus d’une centaine de géants mondiaux qui ont des projets parce qu’ils ont bien compris ce qui se jouait.

Vous êtes le patron de ConsenSys, qui est notamment connu pour le portefeuille Metamask. Sur quoi travaillez-vous pour rendre Metamask encore plus accessible ?

L’une de nos priorités est de rajouter des services comme le staking et l’échange de crypto (swap). Les autres sujets sur lesquels nous travaillons sont la conservation des cryptos ainsi que la gestion de l’identité.

Est-ce que vous pensez que l’émergence de l’intelligence artificielle a éclipsé le Web3 ?

Ce sont surtout les médias qui ont éclipsé le Web3. Depuis des mois, ils parlent beaucoup plus de l’IA, donc une grande partie de la population se dit que c’est fini, ce qui n’est évidemment pas le cas. Je ne pense pas que l’IA ait un impact sur le Web3. Je suis même convaincu que ces deux technologies sont complémentaires.

L’intelligence artificielle va permettre d’automatiser beaucoup de choses dans le Web3, comme par exemple les votes au sein des DAO ou la programmation dans les protocoles. De son côté, l’IA, pour être soutenable, va devoir s’appuyer sur des protocoles transparents et décentralisés pour assurer la gouvernance des données.

Que pensez-vous du projet Worldcoin de Sam Altman ?

Worldcoin est un projet particulier. Je n’ai pas encore regardé précisément la technologie, mais je crois que les fondateurs se sont réservés une partie importante des cryptos créées, donc si leur objectif est vraiment d’en faire la “monnaie du monde”, cela me paraît mal parti. Il va falloir mieux la distribuer.

Après leur ambition sur l’identité est très intéressante, c’est un vrai sujet. Il faut réussir à créer des identités décentralisées.

L’EthCC est organisé à Paris. Que pensez-vous de l’écosystème français ?

La France est l’un des plus écosystème les plus dynamiques. Paris est très important pour ConsenSys, où nous avons toujours eu une grosse équipe. Il y a beaucoup d’ingénieurs et d’entrepreneurs avec des projets assez incroyables.

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