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Bitcoin et énergie : les critiques sont-elles justifiées ?

Bitcoin et énergie : les critiques sont-elles justifiées ?

Bitcoin et énergie : les critiques sont-elles justifiées ?Bitcoin et énergie : les critiques sont-elles justifiées ?

Depuis des années, deux camps irréconciliables s’opposent avec, d’un côté, les partisans du Bitcoin qui expliquent qu’il est la clé de la transition énergétique et, de l’autre, ses adversaires les plus résolus qui voient en lui la plus grande menace pour la planète.

Une partie de la réponse à cette BIG question tient dans l’analyse du mix énergétique utilisé par les mineurs pour faire fonctionner leurs machines.

  • Quelle est la part d’énergie fossile ?
  • Quelle est la part d’énergie renouvelable ?

Selon le dernier rapport trimestriel du Bitcoin Mining Council (BMC), une organisation qui regroupe les principaux mineurs de bitcoin du monde, 59% de l’énergie qu’ils consomment serait d’origine renouvelable.

“C’est un niveau auquel peu d’industries peuvent prétendre, et surtout le secteur bancaire”, explique Romain Nouzareth, cofondateur et patron de Sato, un mineur canadien qui fonctionne avec 100% d’énergie d’origine renouvelable (hydroélectricité dans son cas).

Sur son installation à Joliette (Québec), il utilise même la chaleur dégagée par ses machines pour chauffer l’usine voisine.

Ce chiffre de 59% de part de renouvelable devrait même augmenter dans les années qui viennent, selon Romain Nouzareth : “Les mineurs sont des agents économiques pragmatiques, ils souhaitent obtenir leur électricité au prix le plus bas et les énergies renouvelables sont les moins chères du marché”.

Selon un rapport publié en juin 2021 par l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), les énergies “vertes” sont effectivement devenues moins chères que toutes les autres. Cette baisse des prix spectaculaire serait liée à l’amélioration de la compétitivité des technologies solaires et éoliennes sur la dernière décennie.

Il est donc probable que la part d’énergies renouvelables augmente fortement dans le mix des mineurs. D’autant plus avec le contexte géopolitique qui pèse à la hausse sur les prix du gaz et du pétrole.

En un an, les prix du gaz ont doublé en Europe et la guerre russo-ukrainienne pourrait continuer de faire grimper le thermomètre... Aux État-Unis, beaucoup d’installations de minage raccordées à des sources carbonées sont également en difficulté. Dans l’État de Georgie, la société de Compass Mining a annoncé fin août la fermeture de plusieurs sites en raison de la flambée des prix.

“Aujourd’hui il est très difficile de miner à partir d’énergies fossiles, à moins de se retrouver dans des conditions, comme au Kazakhstan, où le patron de la centrale à charbon dirige aussi la compagnie d’électricité et une ferme de minage”, note Sébastien Gouspillou, patron de Big Block Datacenter, une société française de minage très présente en Afrique. En bref, le retour de l’énergie fossile bon marché, ce n’est pas pour demain.

Le minage peut favoriser la transition énergétique

Dans ce contexte économique favorable aux énergies renouvelables, le minage offre un autre atout très important : financer les infrastructures. “Il est encore souvent plus rentable de bâtir des centrales à charbon que des barrages hydroélectriques”, regrette Sébastien Gouspillou.

Pourquoi ? Parce que les barrages coûtent chers et sont donc financièrement long à amortir, et surtout parce que beaucoup d’entre eux sont construits dans des régions où il n’y a pas forcément les infrastructures (raccordement, lignes, etc.) ou la demande qui va avec.

Le minage de bitcoins peut justement permettre de récupérer les excédents et ainsi contribuer aux financements des infrastructures. “On peut améliorer la rentabilité des barrages”, poursuit Sébastien Gouspillou.

“Pour le stockage de l’énergie, on utilise traditionnellement des batteries mais leur coût est extrêmement important, donc le minage de bitcoins présente des perspectives intéressantes pour optimiser les installations renouvelables", souligne de son côté Damien Ernst, expert en énergie et professeur à l’université de Liège. “Mais ce n’est pas la seule option, la transformation de l'électricité en hydrogène peut aussi bien marcher”, précise-t-il.

Selon Sébastien Gouspillou, le minage de bitcoins s'apparenterait à une “batterie économique” qui améliorerait la rentabilité du renouvelable (le patron de MicroStrategy, Michael Saylor, dit la même chose). “Malgré ce que disent les décroissants, on a besoin de construire encore beaucoup d’infrastructures pour produire de l’électricité. Le bitcoin peut faire pencher la balance en faveur des installations renouvelables”, insiste-t-il.

Au total, on compte plus de 2400 centrales à charbon réparties dans 79 pays et leur capacité de production électrique devrait augmenter de 21% via de nouveaux projets, constate l’ONG Global Energy Monitor dans son rapport annuel.

Selon cette même source, ce ne sont pas moins de 34 pays qui sont actuellement en train de construire des nouveaux sites utilisant cette énergie très polluante…

“Il faut que nous réussissions à leur faire comprendre que le minage peut être une solution pour leurs revenus et la planète”, souligne Sébastien Gouspillou, qui glisse être “de plus en plus écouté”. Le Français souligne aussi avoir des installations au Kenya et au Congo, tout en espérant aboutir bientôt avec d’autres pays d’Afrique centrale.

Un exemple concret : la transformation du gaz torché

Le minage de bitcoins peut aussi être un atout pour réduire l’impact environnemental d’une autre activité extrêmement polluante, souvent méconnue, à savoir le “gaz torché”.

Le gaz torché, c’est quoi ?

C’est ce rejet qui s’échappe avec de grandes flammes des installations pétrolières et gazières lors de l’extraction de l’énergie depuis le sous-sol. À lui seul, le torchage serait responsable de l’équivalent des émissions de gaz à effet de serre dégagé par la France, selon la Banque mondiale.

Il représente un gaspillage monumental d'une ressource naturelle qui pourrait être utilisée à des fins productives, comme la production d'électricité. La quantité de gaz actuellement brûlée chaque année pourrait alimenter l'ensemble de l'Afrique subsaharienne.

Selon certains, le gaz torché devrait être considéré comme une opportunité de gain économique, avec un certain nombre d'options que les opérateurs peuvent envisager pour monétiser leur gaz, dont le minage. “C’est de l’énergie perdue, donc autant en profiter pour miner du bitcoin, surtout si ça réduit les émissions dans l'atmosphère", juge le professeur Damien Ernst.

Dans certains cas, les pétroliers laissent “gracieusement” les mineurs utiliser le gaz torché pour éviter de payer des amendes environnementales. Mais il arrive aussi que ce gaz soit “vendu” aux mineurs, comme aux États-Unis, ce qui crée un marché (absolument pas vertueux) au profit des pétroliers.

La transformation de gaz torché en électricité est encore expérimentale. Elle est difficile à maîtriser et peu de mineurs sont en capacité de le faire… Cela pourrait néanmoins évoluer, notamment via la société Crusoe Energy, qui a levé plus de 500 millions de dollars au printemps dernier pour développer le système adapté. Plusieurs projets devraient rapidement voir le jour à travers le monde. Le géant américain des hydrocarbures Exxon mène actuellement plusieurs expérimentations en ce sens.

Pourquoi est-on aussi exigeant avec Bitcoin ?

Pour des raisons évidemment politiques ! Bitcoin ne plaît pas à de nombreuses industries. Mais sa consommation énergétique est aussi un vrai sujet que personne ne peut éluder, surtout à l’heure où la lutte contre le réchauffement climatique est devenue primordiale. Un constat que les acteurs du secteur (pas tous) partagent sans vouloir endosser toute la responsabilité.

“Le climat est évidemment un sujet pour nous, mais ce sont aux États de prendre les décisions stratégiques. Notre travail consiste à apporter une solution pour gérer au mieux le réseau électrique”, estime-t-il.

Certains plaident aussi pour justement davantage intégrer les mineurs dans le circuit économique. “Dégageons des revenus à partir d’une énergie qui ne trouvait pas preneur jusqu’à présent, afin de contribuer à faire baisser la facture de tout le monde”, conclut Romain Nouzareth.

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