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Dérivés crypto : face à la régulation, quelles solutions pour les traders ?

Dérivés crypto : face à la régulation, quelles solutions pour les traders ?

Bloqués par les régulateurs, les utilisateurs particuliers peinent aujourd'hui à accéder légalement aux produits dérivés crypto. Même les plateformes d'échanges décentralisées, jusqu'ici épargnées, ne semblent plus à l'abri.

"Le constat est simple : en tant qu'utilisateur particulier européen, vous n'avez pas le droit d'accéder aux produits dérivés crypto", affirme Morgane Fournel Reicher, avocate chez Herbert Smith Freehills à Paris.

Populaires sur des plateformes d'échanges telles que Binance, Bybit ou Deribit, les contrats à terme crypto sont depuis plusieurs années dans le collimateur des régulateurs mondiaux, particulièrement en Europe.

Pourtant, ces produits sont essentiels pour les investisseurs. Ils permettent de se protéger contre les fluctuations du marché et d'élaborer des stratégies de trading plus sophistiquées. "Une plateforme qui ne les propose pas est pratiquement disqualifiée", explique à The Big Whale le trader indépendant Karl Chappé-Gatien, connu sous le pseudonyme "High Stakes Capital".

D'après les données agrégées par CCData, les produits dérivés ont représenté plus de 70% du volume total des échanges sur les plateformes centralisées en septembre. Un marché lucratif, donc.

En Europe, un débat juridique tranché par l’AMF

Pendant des années, le marché des dérivés crypto a évolué dans une zone grise juridique. Cependant, les régulateurs ont fini par trancher le débat, notamment en Europe.

En 2018, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a publié une position juridique, mise à jour en 2021, classifiant les produits dérivés crypto comme des produits financiers. Cette décision les a soumis à la réglementation européenne MiFID II, l'une des plus strictes en matière de finance en Europe. L'ESMA, l'Autorité européenne des marchés financiers, a par la suite officiellement adopté cette position.

Morgane Fournel Reicher explique : “Dès qu'un contrat intègre la notion de terme et un règlement en espèces, catégorie dans laquelle l'AMF a décidé de placer les cryptomonnaies ou les stablecoins, il est considéré comme un dérivé”.

À ce jour, aucune plateforme crypto n'est titulaire de la licence requise. Sans surprise, les acteurs traditionnels semblent mieux positionnés sur ce marché. Par exemple, SG-Forge, filiale crypto du groupe Société Générale, émet déjà un stablecoin euro, l'EURCV, et détient une licence MiFID II.

Morgane Fournel Reicher poursuit : “MiFID II, comme l'ensemble de la réglementation européenne, créé un marché intermédié auquel seuls des investisseurs sophistiqués peuvent accéder, alors que les plateformes cryptos ont justement pour vocation de supprimer cette intermédiation. Par exemple, les produits dérivés proposés par les plateformes cryptos sont accessibles au même titre que leurs produits "spot". Le principal souci des régulateurs européens est cependant la protection des investisseurs”.

Elle regrette que la position de l'AMF et plus généralement celle des régulateurs européens se contente de “calquer” la réglementation financière existante au monde de la crypto, règlementation qui, sans travail d'adaptation, est pourtant peu adaptée à son développement.

Bien que cette décision puisse freiner l'innovation si d'autres régions du monde se montrent plus souples, l'Europe n'est pas seule à durcir le ton. En 2021, BitMEX, plateforme pionnière dans les dérivés crypto cofondée par Arthur Hayes, a accepté de payer une amende de 100 millions de dollars pour régler son litige avec la CFTC (Commodity Futures Trading Commission). Le régulateur américain en charge des produits dérivés lui reprochait de ne pas avoir enregistré cette activité.

Sébastien Praicheux, avocat associé chez Norton Rose Fulbright, précise : “Les régulateurs cherchent à aligner la structure des plateformes d'échanges sur celle des institutions financières. Ainsi, pour chaque activité comme les dérivés, elles devront obtenir un panel de licences”. Il ajoute que l'ESMA devrait se repositionner sur le sujet dans les semaines à venir.

La tentative (pour le moment) avortée de Binance

Lors de son enregistrement comme prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) en mai 2022, Binance a été contrainte par l'AMF de cesser de proposer ses “futures” à ses utilisateurs. “C'était plus ou moins une sorte d'accord avec le régulateur”, confie une source proche de l'entreprise.

Quelques mois plus tard, Binance a déposé un dossier pour obtenir une licence de prestataire de services d'investissement (PSI) afin de se conformer à MiFID II. Malheureusement, le processus est au point mort depuis l'été 2023, en raison des affaires judiciaires visant la plateforme aux États-Unis.

À lire aussi - Binance travaille activement au retour des "futures" en France

Dans le montage présenté au régulateur français, Binance avait créé une filiale nommée “Binance Futures”, respectant les règles d'indépendance par rapport à la filiale française. “L'idée était d'adopter les standards de la finance traditionnelle pour continuer à offrir des dérivés aux utilisateurs particuliers, mais surtout attirer les institutionnels crypto et traditionnels”, explique cette source. Elle ajoute avec regret : “Sans ses affaires judiciaires, Binance aurait fini par obtenir cette licence. Tout était prêt”.

À ce jour, c'est son rival Coinbase qui semble le mieux positionné. Bien que peu attendue sur ce terrain, la plateforme américaine a annoncé en janvier dernier être en négociation avancée pour acquérir une entreprise basée à Chypre. Cette acquisition lui permettrait de proposer des produits dérivés crypto à ses clients en Europe.

Une zone grise qui profite à certains acteurs

En attendant, les régulateurs européens s'efforcent de faire respecter la loi, avec des résultats mitigés. L'exemple le plus frappant est celui de Bybit, mise sur liste noire par l'AMF depuis le 20 mai 2022. Cet été, la plateforme, fondée par l'entrepreneur chinois Ben Zhou, a officiellement annoncé la cessation de ses services sur le marché français.

“Si vous déclarez être de nationalité française lors du KYC, l'accès à la plateforme vous est tout simplement refusé. Ils sont très stricts sur ce point”, explique un trader français qui utilisait habituellement cette plateforme pour les dérivés crypto.

Cependant, certaines plateformes comme BitMEX ou Bitget restent accessibles aux clients français, bien qu'elles ne disposent même pas d'un enregistrement PSAN — le minimum réglementaire pour proposer des services sur crypto-actifs. BitMEX n'a d'ailleurs pas hésité à attirer les utilisateurs de Bybit après l’annonce de sa fermeture aux clients français.

“Vraiment pas de chance ce qui se passe sur Bybit… Et s'il existait un exchange non inscrit sur la liste noire de l'AMF, OG depuis 2014, et qui accepte les francophones. Jusqu'à 5000 $ de dépôts pour les nouveaux (re)arrivants !”, avait tweeté le 2 août en français le compte de BitMEX. Ce message s'apparente clairement à de l'incitation commerciale, un privilège normalement réservé aux acteurs au moins enregistrés auprès de l'AMF. La plateforme disposait même d'un stand à Surfin Bitcoin, la conférence dédiée au Bitcoin organisée à Biarritz fin août.

Rappelons qu'une plateforme n'est pas tenue d'être enregistrée auprès du régulateur ou d'être titulaire d'une licence si elle ne cible pas explicitement les utilisateurs d'une juridiction particulière. Si les utilisateurs y investissent sans sollicitation, la plateforme bénéficie de la “reverse solicitation”.

"Néanmoins, il est difficile de considérer que la réglementation se montre ouverte à cette pratique comme en témoigne l’expérience des services d’investissement notamment des produits dérivés", ajoute Sébastien Praicheux.

Les plateformes d’échanges décentralisées épargnées ?

Avec l'obligation de KYC et la nécessité pour les régulateurs d'identifier et de bloquer les VPN, les plateformes d'échanges centralisées sont contraintes de restreindre drastiquement l'accès à ces produits dans certaines régions, notamment aux États-Unis et en Europe. Bybit et Binance en sont les exemples les plus récents.

Dans ce contexte, les plateformes d'échanges décentralisées telles que dYdX, Hyperliquid ou GMX émergent comme des alternatives prometteuses. Actuellement, elles n'exigent aucun KYC, permettant aux utilisateurs d'y accéder simplement en connectant leur portefeuille non hébergé, conservant ainsi le contrôle de leurs fonds.

“Les plateformes d'échanges centralisées peinent à obtenir les licences réglementaires, particulièrement en Europe. Nous pensons d'ailleurs que l'avenir du trading à long terme se situe on-chain”, expliquait Charles d'Haussy, président de la fondation dydX, lors d'une interview.

“Cependant, ces plateformes présentent encore des limites significatives en termes de liquidité et de capacité à gérer d'importants volumes. Leur temps de latence est également moins performant que celui des plateformes centralisées”, nuance un trader.

Néanmoins, la régulation pourrait également rattraper ces acteurs. “Comme pour la finance décentralisée (DeFi), les régulateurs vont inévitablement chercher à encadrer les produits dérivés des acteurs décentralisés. Il sera intéressant d'observer quelles définitions juridiques ils attribueront à la décentralisation”, prévient Morgane Fournel Reicher.

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