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Enquêtes, régulation… Quel avenir pour les Exchanges crypto ?

Enquêtes, régulation… Quel avenir pour les Exchanges crypto ?

Enquêtes, régulation… Quel avenir pour les Exchanges crypto ?Enquêtes, régulation… Quel avenir pour les Exchanges crypto ?

‍Le combat réglementaire qui s'ouvre aux États-Unis pourrait casser le modèle historique des plateformes d'échange. Si les acteurs européens semblent, quant à eux, mieux armés pour affronter le nouveau contexte, leurs produits dérivés devraient néanmoins nécessiter des licences supplémentaires.

"Il y a eu pendant des années un flou sur le statut que devaient obtenir les entreprises fournissant de tels services, et la plupart ne détiennent que des licences étatiques de money transmitter qui ne concernent principalement que des obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme", indique-t-elle.

Pour se mettre en conformité, les plateformes américaines comme Coinbase et Kraken auront donc besoin de se plier aux obligations prévues par le "Securities Exchange Act" de 1934, qui réglemente les prestataires proposant des services sur instruments financiers sur le marché secondaire.

Le problème, c'est que cela implique une révolution copernicienne pour les plateformes qui n’ont jamais fonctionné selon le principe d’une Bourse traditionnelle 🙃.

"Cela requiert que les sociétés comme Coinbase se structurent de manière totalement différente, avec notamment la séparation des activités de conservation des actifs numériques et de tenue de registre, et qu’elles ferment même potentiellement l’accès aux investisseurs particuliers !", déclare Morgane Fournel-Reicher.

"Les Exchanges centralisent aujourd’hui l'intégralité des activités au sein d'une même structure", poursuit l'avocate.

La SEC n'est pas le seul acteur à appeler à la séparation des activités des plateformes d'échange. Après l'effondrement de FTX, certaines voix de l'écosystème web3 avaient, elles aussi, souligné cette nécessité.

"Les plateformes doivent servir à acheter et vendre des cryptos, pas à les conserver", soulignait en novembre dans The Big Whale le CEO de Ledger Pascal Gauthier.

En l'état, Coinbase ne l'entend pas de cette oreille et a décidé de mener le bras de fer avec la SEC devant la justice, en arguant que les actifs numériques ne sont pas des “titres financiers”.

Cette décision ouvre la voie à plusieurs années de procédure. "Vraisemblablement entre trois et cinq ans", souffle un acteur opérant sur le sol américain.

👉 Pourquoi Coinbase et Binance sont-ils les seuls à être inquiétés ?

Il est intéressant de constater que seuls Coinbase et Binance ont - pour l'instant - été attaqués (ainsi que Kraken, mais uniquement sur son service de staking). Cela pourrait s'expliquer par le fait que ces plateformes sont les plus importantes du marché et proposent plusieurs centaines de cryptomonnaies.

Coinbase a adopté une approche de listing très agressive en 2021, soit quelques mois après l’autorisation de son introduction en Bourse par… la SEC.

“Depuis 2021, Coinbase est passé de 130 à plus de 400 cryptos disponibles”, explique Clara Medalie, directrice de la recherche chez Kaiko à New York. “Binance US a accéléré à la fin de 2021, passant de 120 cryptos à 300 en mars 2023”, ajoute-t-elle.

KAIKO

(Note : Bittrex a déposé le bilan début mai 2023)

Les autres Exchanges comme Kraken, itBit (la plateforme de Paxos) ou Gemini ont quant à eux été très prudents dans leur stratégie de cotation, ce qui pourrait expliquer la relative bienveillance de la SEC à leur égard.

Un sentiment corroboré par Jean-Baptiste Graftieux, CEO de Bitstamp, la septième plus grosse plateforme mondiale (lire son interview).

"Nous ne proposons qu'une vingtaine de cryptos aux États-Unis, parce que nous anticipions que certains tokens pourraient justement être requalifiés en titres financiers", déclare le patron français de l’entreprise dont le siège est installé au Luxembourg.

"Pour autoriser le listing d'un token, nous suivons un processus très strict qui contient environ 400 questions et que nous faisons superviser par des acteurs indépendants", insiste-t-il.

Selon les équipes de la plateforme luxembourgeoise, cette étape est assez méticuleuse et le listing n'est pas approuvé sans avoir la conviction qu'un projet crypto ne risque pas d'être requalifié en titre financier. Autant de précautions qui doivent plaire au régulateur.

Le listing des cryptos par les Exchanges a souvent été très opaque. Certains n’ont pas hésité à demander - sous la manteau - jusqu’à un million de dollars pour ajouter des tokens. On ignore si cette pratique, très courante entre 2016 et 2018, a encore lieu aujourd’hui.

👉 Quelles cryptos sont officiellement qualifiées de titres financiers ?

Théoriquement, seul Bitcoin (BTC) est officiellement considéré aux États-Unis comme n’étant pas un titre financier. La première cryptomonnaie est davantage perçu comme une marchandise ou une matière première aux yeux des régulateurs.

Pour l’ether (ETH), c’est plus compliqué : la deuxième plus grosse capitalisation du marché a un temps été considérée par la SEC comme une sorte de marchandise, mais le changement de son algorithme de consensus en septembre 2022, en Proof-of-Stake (lire notre dossier), aurait changé la perception du régulateur. On devrait en savoir plus prochainement 👀.

D'après les différents griefs de la SEC, une soixantaine de tokens ont officiellement été qualifiés de titres financiers non enregistrés jusqu’à présent.

Parmi les plus les capitalisés, on retrouve notamment : Binance Coin (BNB), Ripple (XRP), Cardano (ADA), Solana (SOL), Polygon (MATIC), Binance USD (BUSD), Cosmos (ATOM), Internet Computer (ICP), Filecoin (FIL), Near (NEAR), Algorand (ALGO), The Sandbox (SAND), Decentraland (MANA), Axie Infinity (AXS), Chiliz (CHZ), Flow (FLOW), Nexo (NEXO).

“Même si les plateformes d’échange américaines devenaient des Bourses traditionnelles, on peut également douter de la capacité qu’auront les porteurs des projets crypto à s’enregistrer légalement auprès de la SEC afin de les proposer aux Exchanges”, prévient Arnaud Touati, associé au cabinet Hashtag Avocats.

“Les coûts de conformité sont énormes, il y a beaucoup de barrières qui favorisent la finance traditionnelle”, regrette-t-il.

👉 Quelles conséquences en Europe ?

Grâce à la réglementation MiCA, qui sera appliquée à partir de mi-2024, les plateformes opérant en Europe ne devraient pas connaître les mêmes problèmes avec la nature des actifs numériques.

"Les instruments financiers et les crypto-actifs sont définis et distingués précisément en Europe", explique William O'Rorke, associé pour le cabinet ORWL Avocats, spécialisé dans les technologies de rupture.

Ainsi, l'enregistrement PSAN suffit pour proposer de l'achat/vente de cryptos, et la plupart d'entre elles ne devraient pas être requalifiées en titres financiers en Europe.

Reste néanmoins une certaine incertitude pour les plateformes qui souhaitent proposer des produits dérivés comme les contrats à terme (futures). Binance a notamment suspendu l'accès aux futures pour ses clients européens au cours de l'année 2022.

"Les sociétés enregistrées comme PSAN (et demain CASP sous MiCA) peuvent uniquement fournir des services sur actifs numériques, mais ces derniers sont une qualification subsidiaire qui ne peut être retenue si l’actif en question comporte des éléments permettant de retenir la qualification d’instrument financier", insiste Morgane Fournel-Reicher.

Aux États-Unis, les plateformes sont toutes conscientes de ce risque depuis plusieurs années. Aucun utilisateur particulier de Coinbase ou Binance n’a accès à des contrats futures. Ce type de produit est uniquement proposé aux investisseurs institutionnels sur le Chicago Mercantile Exchange (CME).

👉 Quel encadrement pour les produits dérivés crypto en Europe ?

Ce cas n'a pas encore été totalement tranché et fait l'objet de beaucoup de discussions.

Selon des experts impliqués dans plusieurs dossiers en cours, la réglementation n'est pas adaptée, car celle-ci a été pensée pour des contrats financiers traditionnels, mais aussi parce qu’elle n'a pas été conçue pour des plateformes s'adressant directement aux particuliers.

À l'heure actuelle, il semble assez probable que les Exchanges qui proposent des contrats futures en Europe devront appliquer les règles relatives aux entreprises d'investissement au sens de la directive européenne MiFID 2 (Markets in Financial Instruments Directive).

Selon nos informations, au moins une plateforme opérant en Europe y réfléchit très sérieusement. Cela lui permettrait d’élargir son scope de produits disponibles au trading, et notamment des security tokens.

"Même si les Exchanges crypto affirment qu'ils ne traitent pas de titres financiers traditionnels, dès lors qu’ils proposent des produits dérivés, ils entrent dans le cadre de la réglementation financière avec des règles balisées", souffle une source bancaire.

Une plateforme crypto qui souhaiterait lister des instruments financiers devrait donc faire une demande de statut d’entreprise d’investissement exploitant un système multilatéral de négociation ou un système organisé de négociation (un marché non réglementé).

Les conditions d'obtention sont proches de celles nécessaires pour l'agrément PSAN (garanties en termes de gouvernance et d’actionnariat, fonds propres et prudentiels, procédures internes en matière de prévention des conflits d’intérêts, de contrôles internes en matière de LCB-FT, d’encadrement de l’externalisation, obtenir l’approbation par le régulateur de ses règles de marché, etc.).

La seule différence, mais elle est de taille, c’est que le niveau d'exigence est… beaucoup plus élevé 😅. Et certains points risquent de compliquer l'organisation des plateformes crypto car ces marchés ne doivent pas être accessibles aux particuliers. Seuls les intermédiaires disposant d’un statut réglementé sont admis sur ce genre de marché.

"Contrairement aux entreprises crypto, les plateformes de négociation ne sont pas en contact direct avec leurs investisseurs, mais avec des entreprises soumises à la supervision des régulateurs, elles-mêmes en contact avec les particuliers", souligne Morgane Fournel-Reicher de Kramer Levin. Sacré système !

Sans compter que les activités de conservation, de tenue de registre et de compensation doivent être opérées par des entreprises distinctes, chacune soumise à un agrément propre. Or, dans le cas des entreprises crypto, ces activités sont concentrées au sein d’une seule et même entité et sous le même agrément.

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