Fiscalité du staking : vers une clarification légale
Un amendement visant à harmoniser la fiscalité des revenus du staking avec celle du minage a été approuvé par le gouvernement français. Ces revenus seront prochainement considérés comme des bénéfices non commerciaux (BNC).
Après des années de flou, la classification fiscale des revenus du staking pourrait très bientôt être clarifiée.
Le député Éric Bothorel (Renaissance) a déposé, il y a quelques jours, un amendement au projet de loi de finances 2024, actuellement en débat à l’Assemblée nationale, qui prévoit d’aligner la fiscalité des revenus du staking sur celle du minage.
L’amendement, contesté par certains acteurs de l’écosystème, a toutes les chances de passer puisqu’il a reçu le soutien du gouvernement, et que la Première ministre, Elisabeth Borne, a prévu de recourir à l’article 49-3 de la Constitution, qui prévoit de se passer de vote au Parlement.
Si tout suit son cours, dès l'année prochaine (pour la déclaration 2025 sur les revenus 2024), la fiscalité des revenus du staking sera donc alignée sur celle du minage de bitcoins, et sera classée dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC). Un alignement plutôt logique, car ces revenus s’apparentent à une sorte de salaire versé par un protocole blockchain en échange de sa sécurisation.
L'imposition de chaque contribuable dépendra de son taux au barème progressif de l’impôt sur le revenu, avec un abattement de 34% sur les gains reçus s’ils sont inférieurs à 77.000 euros. “Nous avions jusqu’à présent un cadre qui se nourrissait des décisions du Conseil d’État, l’idée était d’ancrer tout cela dans le dur”, souligne Éric Bothorel.
Modalités de déclaration
Pour les contribuables, la marche à suivre sera la suivante : “Les revenus devraient être déclarés au moment où le contribuable choisit volontairement de les réceptionner sur son wallet (”claim” en anglais) ou sur le compte d’une plateforme d’échange”, explique Pierre Morizot, PDG de Waltio, un service spécialisé dans l’aide à la déclaration fiscale des actifs numériques.
Tant qu’ils ne sont pas “claim”, c’est-à-dire réclamés, ils n’y aurait aucune imposition (même si certains avocats fiscalistes comme Axel Sabban (Revo Avocats) estiment que l'imposition pourrait finalement avoir lieu avant le "claim").
👉 Voici un cas concret pour bien comprendre : si l’on réceptionne 1 ether (ETH) à un moment dans l’année, il faudra déclarer son montant en euros au moment de la réception et s’acquitter de la taxation correspondante. Et, ce, même s’il n’y a pas de conversion en euro (ou toute autre monnaie légale).
Pour ceux qui reçoivent des revenus de staking plus fréquemment (certaines plateformes versent des revenus de staking quotidiennement), il faudra faire le calcul à chaque fois.
Face à cette complexité, des outils comme Waltio pourraient s'avérer utiles. Il faut également noter que de nombreuses plateformes d’échange et fournisseurs de wallets développent des solutions de reporting automatisé pour leurs utilisateurs.
“Le texte n’est pas encore parfait et pas mal de choses devront être précisées par la suite, néanmoins nous prenons le bon chemin”, rappelle le député Éric Bothorel.
Le cas spécifique du liquid staking
Reste désormais pas mal de questions autour des systèmes de liquid staking, comme Lido, qui verse les revenus de staking via une représentation numérique sous la forme du stETH. Faut-il considérer ces stETH comme des revenus de staking ou comme de simples cryptos ?
“La solution la plus simple, mais grossière, serait de considérer qu’il s’agit seulement d’un échange crypto-crypto et qu’il est donc non imposable”, indique Alexandre Lourimi, avocat associé pour le cabinet ORWL. “Cela reviendrait à écarter la réalité de l’opération, mais le risque ne me semble pas établi”, poursuit-il, tout en rappelant que les choses peuvent évoluer.
“Une solution plus conforme serait de valoriser en euros le rendement comme du staking classique et de le déclarer, que les ETH stakés aient été récupérés ou non”, complète-t-il avec prudence.
Même son de cloche du côté de Pierre Morizot : “Je pense qu’il faut regarder l’esprit de la loi. La volonté du législateur est d’imposer un gain passif qui arrive sur un portefeuille. L’administration fiscale n’a pas les connaissances pour faire des différences entre staking et liquid staking. Je pense donc que les gains perçus devraient être imposables. Si on prend une position contraire, elle se défendrait aussi, mais plus difficilement…”
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.