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Julia Mahé-Emsallem (MetaFight) : “Il faut faire vivre le sport différemment”

Julia Mahé-Emsallem (MetaFight) : “Il faut faire vivre le sport différemment”

Julia Mahé-Emsallem (MetaFight) : “Il faut faire vivre le sport différemment”Julia Mahé-Emsallem (MetaFight) : “Il faut faire vivre le sport différemment”

Lancé en 2022, MetaFight (15 salariés) s'est imposé comme le jeu de référence dans le MMA. L'enjeu est désormais de réussir à multiplier les ponts avec le monde réel et d'atteindre la rentabilité.

The Big Whale : Si on comprend assez facilement ce que la blockchain peut apporter dans la finance ou le luxe, on se demande quel est son intérêt dans le MMA (Mixed Martial Arts). Expliquez-nous !

Le MMA est un sport en pleine croissance avec des revenus en constante augmentation. Cependant, cet argent est très mal réparti. Cela dépend des zones, mais globalement, les combattants de MMA touchent peu de la valeur qu'ils créent, et ce sont quelques organisations, notamment l'UFC (organisation leader aux États-Unis), qui contrôlent le marché.

En lançant MetaFight il y a un peu plus de deux ans, notre objectif était de créer un complément de revenus pour les 15 000 combattants de MMA de la planète. Cela a commencé avec les ventes des cartes des combattants. Chaque carte est un NFT sur la blockchain qui leur permet d’exploiter leurs droits à l'image sans passer par les organisations dans lesquelles ils sont.

Comme vous l'avez dit, ces combattants sont dans des organisations qui les rémunèrent pour combattre. Comment les avez-vous convaincus de signer ?

Il n’y a pas de contrat d'exclusivité. Les combattants sont libres de faire ce qu'ils veulent avec leur droit à l'image. Au début, nous les avons contactés un par un en leur disant que nous n'avions pas beaucoup d'argent, mais que nous étions là pour créer quelque chose sur le long terme, et qu'ils toucheraient évidemment une part substantielle des droits des cartes que nous allions vendre.

Aujourd'hui, MetaFight, ce ne sont pas que des cartes. Vous avez un jeu complet. Comment fonctionne-t-il ?

Nous avons en effet d'abord créé les actifs numériques que sont les cartes, et là nous sommes dans la phase de développement du jeu qui permet d'utiliser les cartes des combattants.

Nous avons testé la version Alpha du jeu en 2023. Il y a eu un peu plus de 30 000 joueurs (8 000 détenteurs de cartes NFT) qui s’affrontaient dans des combats avec une durée de jeu moyenne de presque une heure par jour ! Cette phase nous a permis de recueillir des retours et de faire évoluer le produit.

Qu'avez-vous changé justement ?

Au départ, le jeu était surtout basé sur des probabilités, mais les joueurs voulaient que ce soit plus fidèle à la réalité, donc nous avons fait évoluer le modèle. Aujourd'hui, plus le combattant est bon dans la vraie vie, plus il aura de chances de gagner dans le jeu.

Pour agrémenter un peu les choses, nous avons mis en place des systèmes comme le fait que, s'il est associé au bon coach, le combattant est encore meilleur. On peut aussi ajouter des équipements aux combattants (jusqu'à 5). Vous pouvez aussi entraîner les combattants en utilisant le MetaFight Token, par exemple en l'envoyant s'entraîner au Daghestan.

Quel type de token est-ce ?

C'est un utility token qui correspond vraiment à une monnaie de jeu imaginée dans le cadre de la régulation Jonum (Jeux à objets numériques monétisables). C'est une monnaie qui englobe tout un écosystème. Nous avons voulu éviter la mode des fan tokens qui ne servent à rien et qui ont justement fait perdre de l'argent à leurs détenteurs.

Beaucoup de tokens ont fortement chuté. Comment allez-vous réussir à faire en sorte que son cours se maintienne ?

Nous avons fait en sorte que tout le monde ait intérêt à avoir du token. Les combattants peuvent être payés en tokens, et les tokens servent aussi à améliorer les performances des combattants dans le jeu ou à accéder à des packs de cartes moins chers ou à des places pour les combats en direct.

Où en êtes-vous aujourd'hui sur le token ?

Le token va bientôt sortir sur une plateforme régulée en Europe. Pour le moment, le token est encore en pré-vente. Celle-ci est presque finie.

Après la version Alpha, il y a la version Beta du jeu. Où en êtes-vous ?

La Beta sortira en juillet. Sur l'Alpha, nous avions travaillé sur la partie probabilité du jeu, et maintenant nous avons travaillé sur les stats secondaires de la réalité, toute la partie intelligence artificielle (mettre les bons coachs), et nous avons également créé des avatars qui permettent de revoir les combats qui ont eu lieu dans le jeu.

Qui sont les premiers utilisateurs de MetaFight ?

Clairement des fans de sport, qui jouent, entre autres, à Sorare et à d’autres jeux Web3.

Comment jouent-ils ?

Les fans se retrouvent dans des rooms, ils parlent entre eux avec leurs avatars. En même temps, ils peuvent se balader dans des galeries, acheter des produits dérivés. Nous sommes en train de travailler sur le 3D replay.

Vous allez pouvoir être dans la cage en replay, et d'ici deux ans, nous pourrons faire du 3D en direct. Aujourd'hui, l'idée est vraiment de vivre le sport. La grosse demande des médias de sport et des organisations de sport, c'est comment vivre autrement le sport.

Pendant deux ans, nous avons créé plein de petites briques, et maintenant il s'agit de les assembler et de voir comment on va changer la façon de vivre le sport.

Comment gagnez-vous de l'argent ?

En vendant des packs de cartes. Il y a des packs bronze, argent, or, légendaire. Nous avons gagné 250 000 euros avec les cartes de la version Alpha en six mois. Nous prenons une commission sur le marché secondaire et les combattants ont également une part. Nous reversons 50 % aux combattants ou à l'organisation.

Aujourd'hui, le principal enjeu pour les jeux de cartes est de gérer l'offre. Comment faites-vous ?

Il y a 511 cartes par combattant, sauf que quand il gagne un nouveau statut, nous émettons de nouvelles cartes. Si nous lançons une nouvelle carte, tout ce qui n'a pas été vendu de l'ancienne, nous la brûlons, plus 5 % des anciens détenteurs vont pouvoir la brûler en ayant accès à la nouvelle carte gratuitement.

C'est comme ça que nous misons sur la carrière d'un fighter. Mais on peut aussi décider de garder la carte de 2023 parce que c'est la meilleure année du combattant et que la carte va potentiellement se raréfier.

Quel est votre objectif avec MetaFight ?

Notre objectif est d'être les premiers dans le streaming sans VPN. Suivre le MMA avec le système classique est très compliqué et coûte cher aux fans. Il faut avoir des abonnements à différentes chaînes, alors que là, ce que nous proposons, c'est de suivre les matchs directement via MetaFight.

Le deal est simple : nous apportons un nouveau public aux organisations et nous signons des partenariats avec les médias traditionnels pour diffuser les matchs. Après, nous répartissons les droits. Le MMA a fait 20 milliards de vues sur les réseaux sociaux en 2023, c'est un record absolu.

Avec quelles organisations travaillez-vous ?

Aujourd'hui, nous avons déjà annoncé avoir signé avec 15 petites organisations de combattants au Canada, au Japon, en France et dans d'autres pays.

Et l'UFC aux États-Unis ?

Il y aura bientôt des annonces. Le but est d'avoir toutes les organisations qui travaillent avec nous.

N'est-ce pas compliqué de travailler à la fois avec les combattants et les organisations ?

Au départ, c'était compliqué, mais vu que nous avons signé beaucoup de combattants en direct, nous avons fini par discuter avec les organisations. Nous avons fait des contrats avec les ligues où ils sont obligés de reverser une partie de leurs droits aux combattants. C'est gagnant-gagnant.

Sur la régulation Jonum, comment les choses se sont-elles passées ? Beaucoup critiquent le texte. Est-ce également votre cas ?

Il y a eu beaucoup de travaux et des avancées, mais globalement, je dois reconnaître une réelle déception parce que nous devons appliquer un KYC (Know your customer) pour des jeux gratuits.

Avec du KYC, vous perdez plus de 50 % des joueurs. Les gamers n'ont pas envie de donner leur identité et leur justificatif de domicile… Nous l’avons plusieurs fois répété, nous ne sommes pas un jeu d'argent, donc il n'y a pas de raison de nous imposer les mêmes règles que les jeux d’argent.

La loi est claire : elle prévoit que les entreprises ne peuvent pas racheter les jetons des joueurs pour leur donner de l'argent. Jusqu’à présent, on pouvait ressortir ses jetons sur un Exchange avec un KYC, et ça ne posait pas de problème, mais là on a voulu ajouter un KYC à l'entrée, ce qui n’est pas logique.

Que faudrait-il faire selon vous ?

Ce qu'il faudrait, c'est obliger les blockchains à mettre un KYC. Ça ne sert à rien d'aller voir les jeux, il faut aller voir les blockchains. Sur ImmutableX et Polygon, il y a des passeports, ça se développe. C'est là qu'il faut intervenir, en amont. Il ne faut pas que cela pèse sur les start-up. Si vous faites le KYC sur une blockchain, cela peut bénéficier à 25 ou 50 jeux.

Quel est le risque avec une telle régulation ?

Que les sociétés quittent la France. Il y a des pays, notamment au Moyen-Orient, qui font beaucoup d’appels du pied aux entreprises crypto.

Est-ce que vous discutez avec des studios de gaming ?

Nous ne faisons pas un jeu triple A et finalement ce sont davantage les jeux traditionnels qui ont intérêt à mettre de la blockchain que nous à nous rapprocher d'eux. Nous avons un jeu assez basique, mais le plus important, c'est le côté ludique. Pour l'instant, nous n'avons pas l'ambition de sortir un jeu qui se rapprocherait de ce qui se fait dans les jeux traditionnels.

Est-ce que vous pourriez sortir du MMA et aller au-delà ?

Nous sommes en train d'ouvrir progressivement en guest à tous les autres sports de combat : boxe, catch… Après, le modèle intéresse d'autres sports comme la NBA, mais c'est encore trop tôt. Le MMA est une forme de POC et pourquoi pas l'étendre. Déjà, si nous faisons tous les sports de combat, nous serons très bien. C'est un marché énorme.

Comme la plupart des start-up crypto, MetaFight n’est pas encore rentable. Vous avez levé deux fois des fonds, en 2022 (1,2 million d’euros), et également il y a quelques mois pour un montant autour d’un million d’euros. Est-ce que cela a été plus dur ?

C'est compliqué pour tout le monde. Il y a un peu plus de deux ans, presque tout le monde pouvait lever des millions sur des PowerPoint, l'argent coulait à flots, mais les choses ont changé. C’est d’ailleurs pour cette raison que beaucoup de start-up ne ferment pas leur tour et laissent toujours un mécanisme ouvert dans le cadre de leur levée, au cas où elles rencontreraient de nouveaux investisseurs.

Lorsque vous fermez un tour, que ce soit un pre-seed, un seed ou même une série, si vous souhaitez lever de nouveau, vous devez tout recommencer d’un point de vue juridique et administratif. La technique que beaucoup de start-up ont utilisée, c'est de laisser un BSA Air ouvert, avec un seuil, par exemple 50 000 ou 100 000 euros, à partir duquel le BSA Air est convertible immédiatement. C'est un système très pratique qui est utilisé par beaucoup de start-up.

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