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Lightning Network : une révolution qui se fait attendre

Lightning Network : une révolution qui se fait attendre

Lightning Network : une révolution qui se fait attendreLightning Network : une révolution qui se fait attendre

Considéré comme la solution miracle pour améliorer les performances du réseau Bitcoin, le Lightning Network est encore loin de tenir toutes ses promesses, notamment en termes d’expérience utilisateur.

Presque 15 ans après sa création, plus personne, à part certains, ne s’interroge sur la viabilité du bitcoin. Tout le monde, même dans la finance traditionnelle, s’accorde à dire que la première cryptomonnaie de l’Histoire est là pour rester.

Cet été, le patron de BlackRock, qui n’est autre que le plus grand gestionnaire d’actifs de la planète (9000 milliards de dollars d’actifs sous gestion), a expliqué tout le bien qu’il pensait du bitcoin, qu’il considérait encore, en 2017, comme un actif pour “les escrocs”.

“C’est un actif international” qui pourrait “dépasser les monnaies nationales”, a déclaré Larry Fink à la télévision américaine.

La plus grosse cryptomonnaie du marché (500 milliards de dollars de capitalisation) est toutefois encore loin de s’être imposée dans notre quotidien 👀.

Si les gens investissent dans le bitcoin, rares sont ceux qui l’utilisent comme moyen de paiement pour faire leurs courses ou acheter des produits en tout genre. Et pour cause, au-delà du fait que peu de magasins acceptent le bitcoin, son réseau n’est pas assez performant. Pas assez “performant” dans le sens où il ne peut pas supporter un nombre trop importants de transactions.

Il ne peut supporter que 7 transactions par seconde (c’est théoriquement plus de 40.000 pour Visa), et s’il y en a trop, il se retrouve congestionné et les frais de transactions explosent. Qui voudrait payer 10 euros de frais pour une transaction de 5 ou 6 euros ? Personne 🤯. Sans compter qu’il faut attendre environ 10 minutes pour qu’une transaction soit inscrite dans la blockchain…

C’est pour régler ce problème que Thaddeus Dryja et Joseph Poon ont imaginé il y a quelques années le Lightning Network (LN). Ils ont présenté leur solution en 2015 et ont publié le white paper du Lightning Network en 2016 (disponible ici).

Le réseau Lightning Network est disponible depuis 2018. L’idée est simple : plutôt que d'enregistrer chaque transaction sur le réseau Bitcoin, le Lightning Network permet à ses utilisateurs d'effectuer des transactions EN DEHORS de la blockchain de Bitcoin - ce sont des transactions offchain - en créant des canaux de paiement parallèles.

Ces canaux permettent ensuite des transactions instantanées et peu coûteuses entre les participants. À mesure que les transactions ont lieu, les soldes dans le canal sont mis à jour. Les participants peuvent ajuster les soldes en fonction de leurs transactions.

“Lightning Network est une seconde couche de Bitcoin qui permet de traiter toutes les petites transactions que Bitcoin ne va pas traiter”, explique Josef Tětek, analyste Bitcoin pour Trezor, une start-up tchèque spécialisée dans la conservation d’actifs numériques.

Lorsqu'ils le souhaitent, les participants peuvent fermer leur canal. Les soldes finaux sont enregistrés sur la blockchain Bitcoin. Les transactions réalisées en dehors du canal sont consolidées en une seule transaction sur la blockchain Bitcoin, et le tour est joué 💡 !

Avant d’aller plus loin, juste quelques chiffres sur le réseau du Lightning Network 🤓.

Aujourd’hui, il y a un peu plus 16.000 noeuds sur le réseau du LN (presque 47.000 noeuds pour le réseau Bitcoin).

Les noeuds sont indispensables au réseau parce qu’ils permettent de vérifier et valider toutes les transactions. Plus vous mobilisez de puissance de calcul (avec des ordinateurs) pour votre noeud et plus il deviendra incontournable. C’est pour cette raison que les noeuds du réseau LN les plus utilisés sont ceux gérés par des entreprises comme le français Acinq - dans lequel Bpifrance a investi en 2019.

Les milliers de noeuds du réseau alimentent 68.000 canaux de paiements publics. Dans ces canaux de paiements, il y a 4600 bitcoins bloqués, soit à peu près 120 millions de dollars (au prix actuel du bitcoin) qui assurent en partie la liquidité sur le réseau.

Selon les estimations, il y aurait entre 10.000 et 15.000 canaux de paiement supplémentaires non déclarés, donc non publics.

Voila pour les chiffres !

Revenons donc au fonctionnement du système du Lightning Network, qui semple donc, au moins sur le papier, parfait ! Sauf qu’en pratique les choses sont un peu plus compliquées 😅.

“Certains ont fait trop de promesses au sujet du Lightning Network en disant qu’il permettrait d’envoyer facilement quelques satoshis (1 satoshi = 0.00000001 bitcoin) de manière instantanée, alors que ce n’est pas le cas aujourd’hui”, explique Simon Glâtre, analyste data chez Sato, une entreprise canadienne cotée en Bourse et spécialisée dans le minage de bitcoins.

Tout le monde ne partage évidemment pas cet avis (ce qui est normal).

Pour certains comme les français de Acinq, qui ont développé l’une des 4 principales implémentations du LN (qui s’appelle Eclair), le LN a fait énormément de progrès. “Bitcoin et le Lightning Network représentent un vrai changement de paradigme, donc c’est normal que cela prenne du temps pour arriver à un système facile d’usage pour tous”, explique Pierre-Marie Padiou, cofondateur et CEO de Acinq.

En attendant, pour être plus efficace, le Lighnting Network doit ainsi s’améliorer sur de nombreux points :

👉 La liquidité

Il faut imaginer le Lightning Network comme un système avec des billes (les satoshis) et des tubes (les canaux de paiement). Pour faire un paiement, il faut pousser des billes dans les tubes.

Tant que vous avez des billes dans votre portefeuille, vous pouvez pousser des billes et donc faire des paiements, mais ça se complique lorsque vous n’avez plus de billes dans votre wallet. “Vous ne pouvez tout simplement plus faire de paiement en attendant de remettre de l'argent”, résume Simon Glâtre de Sato.

Pour fluidifier le système et éviter ce genre de problèmes, plusieurs acteurs sont arrivés sur le marché : les Lightning Service Provider (LSP).

Ces acteurs sont une interface entre l’utilisateur et le Lightning Network. “Le rôle des LSP est de faire oublier aux utilisateurs le fait qu’il faut gérer sa liquidité et toujours avoir des billes dans son wallet”, explique Josef Tětek de Trezor.

Il y a plusieurs types de LSP :

- il y a ceux qui ne sont que LSP comme Lightspark (la start-up fondée par David Marcus, l’ancien cerveau du projet Libra de Facebook), Voltage ou LNBIG.

- il y a les wallets LN qui ont décidé de créer leur propre LSP. C’est le cas de Phoenix (développé par Acinq), Breez ou Bitkit.

Il y a aujourd’hui une vingtaine de LSP sur le marché, qui permettent de fournir des satoshis aux utilisateurs du Lightning Network lorsqu’ils en ont besoin. Concrètement, vous voulez envoyer 100 euros (à peu près 420.000 satoshis, au cours actuel) à un ami, et un wallet comme Breez va vous fournir automatiquement la liquidité pour “pousser” vos satoshis vers le wallet de votre ami.

Le seul problème, c’est qu’il y a encore un sujet au niveau du volume de liquidité fournit par le LSP. Car si le LSP ne fournit pas assez de liquidités, l’utilisateur va être très vite bloqué, et il va falloir ouvrir un nouveau canal pour verser plus d’argent, ce qui coûte de l’argent en frais de transaction. Ce système est clairement tout sauf optimal !

Pour améliorer les choses, les 4 différentes implémentations du Lightning Network (Eclair, C-Lightning, LND, Rust-Lightning) travaillent sur une amélioration : le “splicing”.

Cette nouvelle fonctionnalité permettrait d’avoir un canal de paiement unique entre l’utilisateur et le LSP, dont les capacités pourraient être augmentées ou diminuées en fonction des besoins. Le splicing est en cours d’implémentation sur Eclair et Core Lightning (développé par Blockstream).

Une autre fonctionnalité est censée améliorer la gestion de la liquidité : le “trampoline routing”. L’idée est de déléguer la recherche du meilleur chemin pour une transaction aux plus gros noeuds du réseau, ce qui devrait rendre les transactions encore plus fluide. Le trampoline routing est déjà implémenté dans Phoenix, mais de manière partielle. “Nous sommes en train de le déployer”, confirme Pierre-Marie Padiou.

👉 La vie privée

Comme nous l’avons indiqué plus haut, il y a aujourd’hui un peu plus de 16.000 noeuds sur le Lightning Network. Chaque transaction passe par ces noeuds.

Aujourd’hui, celui qui initie une opération sur un canal de paiement choisit la route de paiement, et celui qui réceptionne l’opération doit donner l’adresse de son wallet pour recevoir le paiement. Or avec ce système, il est assez “simple” (même si tout est relatif) de partir de l’adresse d’un wallet et de remonter toutes les transactions d’un utilisateur.

Pour améliorer les choses, plusieurs développeurs ont développé la fonctionnalité de “blinded paths”. Comme son nom l’indique, le but d’un “chemin aveugle” est de brouiller les pistes. L’idée c’est que la route de paiement est scindée en deux : la première partie est définie par celui qui envoie les fonds et la seconde par celui qui reçoit les fonds. Assez malin !

👉 Les paiements asynchrones

Tous ceux qui ont déjà fait une transaction sur le Lightning Network le savent : vous ne pouvez envoyer de l’argent à quelqu’un que s’il est connecté en ligne pour recevoir les fonds 🙃.

Lorsque vous payez physiquement dans un magasin, c’est assez simple puisque le commerçant sera connecté, mais la situation est plus compliquée pour les paiements à distance. “Si je ne suis pas connecté avec mon wallet, personne ne peut m’envoyer de l’argent”, souligne Simon Glâtre.

Ce système est assez inefficace, et pour l’améliorer, une nouvelle fonctionnalité de “paiement asynchrone” est en cours de création.

L’idée de cette fonctionnalité est permettre de faire un paiement qui sera en attente et se réalisera dès que l’autre se connectera. “Aujourd’hui on peut avoir des fonds bloqués sur le réseau pendant des jours parce que quelqu’un ne s’est pas connecté. C’est un vrai problème. C’est une des fonctionnalités qui va le plus changer les choses”, explique Simon Glâtre.

👉 Les wallets

Last but not least, il y a le sujet des wallets, qui est sans doute le sujet le plus important. Pourquoi ? Parce qu’il pose la question philosophique de la détention des bitcoins.

Aujourd’hui, il y a deux types de wallets sur le marché : les custodial et les non-custodials (c’est vous qui êtes détenteurs de vos fonds).

Si la plupart de la communauté souhaite conserver elle-même ses bitcoins sur un wallet non-custodial, ce sont clairement les wallets custodials qui sont les plus simples à utiliser. Le plus connu d’entre eux est le Wallet of Satoshi. “Il est assez simple à utiliser et l’avantage en custodial, c’est que vous n’avez rien à gérer si ce n’est vos opérations”, explique Lounès Ksouri, ingénieur chez LNMarkets et spécialiste du Lightning Network.

La contrepartie de ce système, c’est que le Wallet of Satoshi qui détient vos bitcoins. “Avec eux, vous ne possédez pas vraiment les fonds. En réalité, vous n’utilisez pas le LN, mais un acteur centralisé qui va le faire pour vous. Wallet of Satoshi a un gros noeud et ils ont plein de canaux de paiement”, souligne Simon Glâtre.

Côté non-custodial, il y a de nombreux wallets comme Phoenix de Acinq, mais pour les utiliser, il faut plus de maîtrise. “Vous devez ouvrir vos canaux vous-même”, explique Josef Tětek. “On ne peut pas vouloir être souverain sur ses cryptos et ne rien gérer soi-même”, contre-balance de son côté Pierre-Marie Padiou.

Pour tenter de trouver le juste milieu, certains plaident pour un système hybride qui serait basé en partie sur du custodial : les federated wallets.

Le but des “federated wallets”, à l’image de Fedimint, est de prendre le meilleur du custodial (efficacité notamment) et le meilleur du non-custodial avec la protection de la vie privée. L’idée est de désigner un organisme custodial pour un nombre limité de détenteurs.

“L’une des applications évidentes est le cercle familial”, explique Simon Glâtre. Mais cela peut aussi très bien être géré à une échelle plus grande, souligne-t-il. Pas sûr pour autant que tout le monde devienne fan !

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