The Big Whale : Plusieurs entreprises viennent de lancer leur collection de NFTs. Celle de Porsche a fait particulièrement parler d’elle, et pas forcément en bien… Pourquoi ?
Stéphane Baudin : On peut même parler d’un gros flop. Pour réussir le lancement d’une collection, il faut plusieurs choses : un prix qui correspond au marché, un design séduisant et une communauté active. Or Porsche n’a réuni aucun de ces éléments.
Ils ont émis 7500 NFTs au prix unitaire de 0,911 ethers (1330 euros au cours actuel), ce qui est vraiment très cher, surtout pour une marque sans expérience dans le domaine du Web3.
Sur le design, la communauté a été déçue parce que les NFTs étaient tous identiques , sans même parler du Discord où il ne se passe presque rien. Il y a seulement des canaux réservés aux annonces et une foire aux questions, ce qui n’est pas suffisant.
Plus globalement, la feuille de route du projet reste très floue. On se demande ce qu’ils veulent faire et ils l’ignorent certainement eux-mêmes… Résultat, la collection n’a pas décollé. Ils en ont vendu à peine plus de 1300 en deux semaines, et ils ont décidé de réduire l’offre à 2400 unités pour limiter la casse.
Comment expliquer un tel échec ?
Comme beaucoup, ils ont pensé qu’avoir une image de marque suffisait pour lancer une collection de NFTs, mais ce n’est pas comme cela que ça fonctionne.
Le Web3 est très communautaire, il faut avoir une vraie communauté pour qu’une collection fonctionne. Ce projet a été annoncé il y a seulement 2 mois. Il n’a pas encore d’histoire…
Est-ce qu’il y a eu un effet Bear Market ?
Probablement, mais je ne pense pas que ça aurait été la folie en période de hausse des marchés. Il y a quand même des fondamentaux sur les NFTs, et en l’occurence, les gens ne sont pas prêts à payer aussi cher pour des NFTs qui n’ont pas beaucoup de valeur ajoutée.
Ce que vous décrivez a l’air assez évident. Pourquoi Porsche, et d’ailleurs d’autres entreprises, passent à côté ?
Je pense que beaucoup comprennent mal l’écosystème Web3, l’organisation des communautés, ce qu’elles attendent. Il y a souvent un écart flagrant entre l’idée que les marques se font des communautés Web3 et la réalité de ces communautés…
Ce n’est pas parce que l’on parle du Web3 que ce n’est pas sérieux, qu’il n’y a pas des gens en face, avec des attentes bien réelles. Il faut comprendre ces attentes et faire des NFTs qui y répondent en termes de services et d’avantages.
Justement qu’attendent les communautés Web3 selon vous ?
Tout dépend des communautés, parce que les profils sont assez différents.
Il y a les “flippers” qui sont là pour faire des coups en revendant rapidement les NFTs après le mint (création du NFT, ndlr), les “holders” qui vont les collectionner longtemps car ils croient au projet et aiment la marque, et enfin les “normies” qui sont les nouveaux venus dans l’écosystème.
Beaucoup de marques s’adressent à des agences pour lancer leurs projets. Quelles sont vos recommandations pour bien choisir ?
C’est une bonne question ! Le fait de travailler avec des agences et des studios n’est pas un problème surtout dans un univers aussi récent et avec des codes aussi compliqués à maîtriser (on en parle dans le Discord de The Big Whale, réservé aux abonnés Premium).
Il ne faut toutefois pas travailler avec un seul partenaire. La meilleure chose à faire est d'en avoir plusieurs : un pour le développement technique, un autre pour la gestion de la communauté, et l’entreprise garde la main sur la vision et le projet.
Quelles sont les projets de NFTs qui ont bien marché selon vous ?
Je trouve que Lacoste a réussi le lancement de sa collection.
Ils ont créé un Discord assez animé, avec des canaux selon les pays, et un engagement assez fort. Là où ils n’ont pas été très bons, c’est sur le design des NFTs. Une partie de la communauté n’a pas compris le graphisme des crocodiles. Mais globalement c’est réussi, il y a de l’activité autour de ces NFTs.
Pourquoi les grandes marques ont-elles intérêt à se lancer dans les NFTs ?
Pour continuer à développer leur activité ! Au-delà de l’argent qu’elles peuvent directement gagner, les collections de NFTs permettent de toucher un nouveau public. Porsche est un très bon exemple : vous trouverez rarement des propriétaires en dessous de 50 ans, mais avec les NFTs vous allez toucher un public plus jeune qui, après les NFTs, craquera peut-être pour la voiture. C’est un pari gagnant.