The Big Whale : Vous avez rendu il y a quelques semaines un rapport d’étape sur le financement des start-up françaises. Quel est votre constat ?
Paul Midy : Il est globalement très bon. Sur les dix dernières années, nous avons eu une trajectoire assez exceptionnelle.
En 2012-2013, il n’y avait quasiment pas d’écosystème, et aujourd’hui nous avons près de 30 licornes (société valorisée plus d’un milliard de dollars) dans des domaines aussi variés que le e-commerce, la data et les cryptos.
Cette dynamique se résume en un chiffre : en 2017, les start-up françaises ont levé 2 milliards d’euros, alors qu’en 2022, elles ont en levé plus de 13 milliards ! 🤑
Aujourd’hui, la France est première sur le continent européen devant l’Allemagne, même si le Royaume-Uni est encore loin devant avec le double (26 milliards d’euros).
Avec l’inflation et la crainte des investisseurs, les montants levés vont fortement baisser et certaines entreprises vont connaître des difficultés…
Cela fait plusieurs mois que les levées de fonds sont en très forte baisse, mais ce n’est pas un sujet seulement français, cela touche tout le monde.
Les raisons de cette chute sont assez évidentes : avec l’inflation et la remontée des taux, l’argent coûte plus cher, donc les investisseurs sont dans le brouillard, et ils attendent de voir comment les choses vont évoluer.
Dans votre rapport d’étape vous faites plusieurs propositions pour mieux financer les entreprises, en insistant sur l’innovation. Quelles sont-elles ?
Depuis des décennies, la France est championne du monde du financement public. Entre Bpifrance, France 2030 et la mission French Tech, nous avons un dispositif unique qui a permis d’accompagner des entreprises comme Qonto, Ledger ou Spendesk.
Mais sur le financement privé, nous avons beaucoup de retard, ce qui peut nous pénaliser, notamment sur les technologies de rupture où il y a besoin d’une alliance entre le public et le privé.
C’est pour cette raison que le président de la République avait annoncé lors de la campagne de 2022 (dans une interview à The Big Whale, ndlr) sa volonté de mettre en place un système comparable à celui du SEIS-EIS au Royaume-Uni, qui permet de mobiliser l’épargne des particuliers via des réductions d’impôts de 30% à 50% en fonction des investissements dans les start-up 💡.
Que proposez-vous ?
Comme l’avait demandé le Président, il faut que la France ait un dispositif similaire. Je travaille sur une refonte de l’outil “jeunes entreprises” pour en faire un vrai dispositif qui finance les entreprises, en mettant l’accent sur les secteurs innovants, avec des tampons et deux nouvelles catégories : Jeunes Entreprises d’Innovation et de Croissance (JEIC) et Jeunes Entreprises d’Innovation et de Rupture (JEIR).
Les investissements dans une JEIR bénéficieront d’une réduction fiscale de 50% et ceux dans les JEIC de 30%.
Quand est-ce que ce dispositif sera disponible ?
Ce projet doit passer dans le projet de loi de finances parce qu’il y a des sujets fiscaux. J’espère qu’il pourra entrer en vigueur au 1er janvier 2024 🗓️.
Quel regard portez-vous sur le Web3 ?
La France a la capacité d’être leader sur le Web3, au moins au niveau européen. Ce qu’il nous manque le plus, ce sont les financements.
Nous avons les talents et l’esprit entrepreneurial, il faut davantage de financement pour qu’il n’y ait que quelques entreprises, mais des dizaines de leaders dans le secteur.
L’écosystème crypto est encore volatile. N’est-ce pas problématique de pousser les gens à investir dedans ?
Là, nous ne parlons pas des marchés, mais des entreprises de l’écosystème. Ledger et Sorare ont montré leur résilience. Il faut continuer d’être leader à ce niveau-là, comme il faut continuer d’avancer sur la régulation.
Certains s’inquiètent d’une régulation trop forte. Les comprenez-vous ?
C’est compréhensible, mais nous le voyons bien, la réglementation est devenue un sujet clé, et si vous arrivez à prendre le leadership comme l’a fait l’Europe avec MiCA , vous devenez attractifs.
Comment le mesurez-vous ?
Regardez aujourd’hui où s’installent Binance , Circle, Crypto.com , et les autres géants. Ils viennent en Europe et spécialement à Paris. L’autre point intéressant, c’est que même si les volumes ont baissé, l’Europe attire de plus en plus d’investisseurs dans le web3, qui sont rassurés par le cadre réglementaire.
Comment expliquez-vous que la France soit si bien positionnée sur les sujets tech ?
Nous avons un pays de sciences et d’ingénieurs. Nous avons des compétences très fortes sur lesquels il faut capitaliser parce que ce sont aussi des enjeux de souveraineté.