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Pourquoi les DEX n’ont pas (encore) la faveur de la finance traditionnelle

Pourquoi les DEX n’ont pas (encore) la faveur de la finance traditionnelle

Pourquoi les DEX n’ont pas (encore) la faveur de la finance traditionnellePourquoi les DEX n’ont pas (encore) la faveur de la finance traditionnelle

Souvent présentés comme le futur des bourses, les échangeurs décentralisés (DEX) de type Uniswap peinent encore à séduire les acteurs traditionnels. La faute à une réglementation incertaine, mais aussi à des problèmes de transparence dans la formation des prix. Des solutions commencent toutefois à émerger.

"Aujourd’hui, il n’est pas possible d’échanger directement une action Total contre une action EDF. Les échangeurs décentralisés pourraient résoudre ce problème", explique Guillaume Burtschell, directeur associé du cabinet Finegan Advisory, notamment passé par la Société Générale et Binance France.

Le plus connu des DEX (Decentralized Exchange) est bien sûr Uniswap, fondé en 2018, qui offre une sorte de règlement-livraison automatisé sur la blockchain, un processus qui est normalement assuré par une entreprise au sein d’une bourse traditionnelle comme le Nasdaq. Dans le cas d’Uniswap, ce sont des contrats intelligents (smart contracts) qui assurent cette opération.

Cette particularité offre de nombreuses promesses, notamment la réduction des intermédiaires et donc des frais, ainsi que la possibilité d'effectuer des échanges 24h/24, 7j/7 via des systèmes plus ouverts qu'en finance traditionnelle.

"Mais pour le moment, les acteurs traditionnels se montrent assez frileux à utiliser ce type d’outils qu’ils connaissent encore mal", explique à The Big Whale Sergej Kunz, cofondateur de 1inch, un des agrégateurs de DEX parmi les plus importants du secteur.

Ce qui illustre cette frilosité, c’est notamment le fait que "la part du trading on-chain ne représente pour le moment que 5 % à 10 % des échanges totaux du secteur crypto. Et dans cette fourchette de prix, la majorité des échanges concerne des opérations d’arbitrage", remarque Cyrille Pastour, cofondateur de Swaap Labs, l’entreprise à l’origine du protocole Swaap Finance, un teneur de marché (market maker) évoluant dans la finance décentralisée (DeFi).

Plusieurs facteurs expliquent cette frilosité :


👉 Manque d’identification des contreparties

"La plupart des produits DeFi, y compris les DEX, ne respectent pas les normes de la finance traditionnelle. Il n'y a pas de KYC (Know Your Customer), ce qui rend difficile l’identification des éventuelles contreparties avec lesquelles les institutions financières seraient amenées à interagir", remarque Sergej Kunz.

Lorsqu’un utilisateur va passer un ordre pour effectuer une opération, une multitude de protocoles peuvent être sollicités (DEX, agrégateurs de DEX, etc.) en fonction de la complexité de la demande.

"Entre les apporteurs de liquidité, les éventuels market makers impliqués dans l’opération ou encore les infrastructures comme les ponts (bridges), le nombre d’acteurs sollicités peut vite grimper", explique Cyrille Pastour.

"Les institutions financières ont besoin de connaître l’identité de l’ensemble des acteurs avec lesquels elles sont susceptibles d’interagir", détaille Guillaume Burtschell. "Au-delà des questions de régulation, connaître l’intégralité de la chaîne de valeur est indispensable pour avoir de la visibilité sur la formation du prix", fait-il remarquer.

👉 Manque de contrôle sur la formation des prix

Comme le souligne Cyrille Pastour, si les plateformes d’échange centralisées comme Coinbase sont plus à même de proposer des structures de frais simples à mesurer, "ces garanties sont nettement moins élevées sur blockchain où de nombreux facteurs techniques rentrent en ligne de compte".

En outre, il arrive parfois que certaines blockchains cessent de fonctionner pendant plusieurs heures, comme Solana (mais pas Ethereum, sur laquelle la plupart des grosses applications DeFi sont conçues), ce qui est également de nature à refroidir les acteurs traditionnels. "Quelque chose d’impensable dans la finance traditionnelle", fait remarquer Guillaume Burtschell. Il n’est également pas rare que les réseaux soient congestionnés, avec une incidence sur les frais de transaction.

Plus méconnus, des acteurs spécialisés dans l’arbitrage des blocs sur Ethereum peuvent également avoir un impact significatif sur la formation des prix en fonction de la Maximal Extractable Value (MEV).

"Ce type d’acteurs va tirer profit du décalage (slippage) spécifié par un utilisateur ordonnant une transaction. En fonction du temps de validation d’un bloc, une transaction peut parfois prendre jusqu’à une minute sur Ethereum. Certains acteurs ont mis au point des robots ayant la capacité d’ordonner les blocs et donc d’agir mécaniquement sur le prix d’une transaction", explique Cyrille Pastour.

Mais pour tenter de proposer des solutions plus fiables aux institutionnels, certains acteurs s’organisent, surfant notamment sur la vague des "intents", une tendance qui ne cesse de monter depuis plusieurs mois. Celle-ci repose sur des conditions de prix pré-établies qui s’enclenchent uniquement lorsqu’elles sont satisfaites, laissant le minimum de choses au hasard des conditions de marché (lire notre analyse d'Across Protocol, un bridge nouvelle génération qui utilise les intents).

👉 Les "intents" à la rescousse ?

CowSwap, qui a géré 3,4 milliards de dollars de volume de transaction en mars, s’est notamment distingué en basant sa solution d’échange sur ce principe. Plus récemment, Uniswap a également lancé UniswapX, dont le modèle est également basé sur les intents.

Si ces solutions ont émergé, c'est notamment grâce à la multiplication des solutions de market making qui permettent à une multitude d’acteurs d’entrer en concurrence pour proposer le meilleur prix. “Cette concurrence permet d’aboutir à de meilleurs prix, mais surtout à une stabilité de ces derniers, un paramètre indispensable pour attirer des institutionnels en DeFi”, explique à The Big Whale l’équipe de CowSwap.

"Dans le cas des intents, l’utilisateur soumettant une transaction va pouvoir signifier à un protocole l’objectif de prix qu’il souhaite atteindre. Grâce à cette solution technique, il est parfois possible, dans certains cas, de ne pas payer de frais de transaction", explique Cyrille Pastour.

"Les intents permettent aux utilisateurs d’effectuer une transaction en leur demandant ce qu’ils veulent faire, et non comment le faire. Ils apportent davantage de simplicité et surtout de fiabilité dans la formation des prix", se félicite le cofondateur de 1inch, Sergej Kunz, qui a récemment intégré cette solution à son agrégateur et qui travaille étroitement avec plusieurs institutions financières de premier plan sur le sujet (notamment MasterCard).

“Plusieurs acteurs ont noué des partenariats et commencent à avoir un effet de réseau intéressant, ce qui leur permet, dans certains cas, de maîtriser quasiment l’entièreté de la chaîne de valeur d’une transaction. Mécaniquement, cela ouvre la porte à une meilleure identification des contreparties. Réglementairement, c’est un pas énorme”, se félicite un market maker DeFi bien connu du secteur.

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