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Shares, Trade Republic, Robinhood : l’appétit grandissant des applis d’investissement pour les cryptos

Shares, Trade Republic, Robinhood : l’appétit grandissant des applis d’investissement pour les cryptos

Shares, Trade Republic, Robinhood : l’appétit grandissant des applis d’investissement pour les cryptosShares, Trade Republic, Robinhood : l’appétit grandissant des applis d’investissement pour les cryptos

En quelques mois, la plupart des applications d'investissement ont accéléré dans les cryptos. Une offensive qui pourrait inquiéter certains acteurs historiques du secteur.

C'était il y a un mois pile. Le 22 novembre, Shares organisait une soirée à l'Hôtel de l'Industrie, au cœur de Paris, pour officialiser son lancement en France.

Ce soir-là, la salle principale de l'hôtel était pleine (nous y étions). Sur scène, les discours se sont enchaînés : d'abord celui du PDG de Shares, Benjamin Chemla, puis celui des invités, dont le député de la majorité spécialisé dans les start-up, Paul Midy (Renaissance), jusqu'à l'intervention attendue du responsable produit de la société.

Slides à l'appui, Harjas Singh a expliqué le fonctionnement de l'application d'investissement née en 2021 au Royaume-Uni, et a poursuivi avec les leviers qu'il comptait utiliser pour reproduire la recette du succès britannique de Shares (150 000 comptes en 12 mois) dans l'Hexagone.

Il y a évidemment le portefeuille d'actions (plus de 1500 actions disponibles), les produits d'épargne (plan d'épargne entreprise et autres), ainsi que la partie réseau social de Shares ; c'est d'ailleurs son atout principal. Mais la start-up a aussi cité les cryptomonnaies.

"Avec Shares, vous pouvez investir dans une cinquantaine de cryptos", a-t-il expliqué devant une centaine d'invités conquis.

Le fait que la start-up britannique fasse des cryptos un élément de sa stratégie n'a rien d'anodin. Ses concurrents comme l'allemand Trade Republic et l'américain Robinhood ont, eux aussi, passé la vitesse supérieure sur le bitcoin et les crypto-actifs. Sans même parler de Revolut 🇬🇧 qui est en train de recruter une vingtaine de personnes pour étoffer son offre en Europe - hors Royaume-Uni.

La vraie question est : pourquoi le font-ils tous, et surtout maintenant ?

Si le contexte joue évidemment - le bitcoin a pris 150% en 2023 - l'explication tient surtout au fait que les cryptomonnaies sont devenues un "must-have" pour les applications d'investissement. Si on était taquins, on dirait qu'il n'y a guère plus que les banques qui continuent de traîner la patte sur le sujet.

"Pour l'instant, les cryptomonnaies ne représentent qu'une toute petite partie de nos volumes, mais la demande ne va faire qu'augmenter, et il faut se positionner", souligne Stanislas Chertok, responsable de Shares en France.

Un son de cloche que l'on retrouve également chez d'autres : "Il y a une vraie lame de fond sur les cryptos", confirme Vincent Grard, responsable France pour Trade Republic.

 Élargir l'audience

Avec les cryptos, l'objectif des applications d'investissement est double : élargir leur audience et fidéliser leur base actuelle de clients, qui oscille entre quelques centaines de milliers (Shares) et plusieurs millions de personnes (Trade Republic, Robinhood, Revolut).

"Les cryptos ont eu l'avantage de mettre un grand nombre de personnes, notamment les jeunes, à l'investissement. D'abord ils font de la crypto, puis ensuite ils basculent sur d'autres types d'investissement comme les actions et les obligations, et c'est justement ce que nous proposons", résume Vincent Grard.

Trade Republic permet d'investir dans plus de 10 000 actions et obligations, notamment sous forme d'ETF.

 Simplicité, prix et confiance

Aujourd'hui, les applications d'investissement disposent de plusieurs arguments face aux courtiers spécialisés dans les cryptos comme Bitpanda, Coinhouse, eToro et Swissquote (cette dernière n'a pas l'enregistrement PSAN et ne peut solliciter activement des clients français, en revanche il est possible de l'utiliser).

 Il y a d'abord les arguments "officiels" :

👉 Le premier est celui de la simplicité. "Nous n'offrons pas des centaines de cryptos parce que les clients n'ont pas besoin d'un choix pléthorique", explique Stanislas Chertok. "Plus de 90 % des cryptos qui sont acquises via nos services sont du bitcoin et de l'ether", souligne de son côté Vincent Grard.

👉 Le deuxième argument est celui de la diversité. Trade Republic, Shares et les autres comme Robinhood et Revolut ne font pas que des cryptos, loin de là ! "Nos clients ont accès à quasiment tous les actifs financiers", explique un porte-parole de Robinhood.

👉 Le troisième est celui du prix 🤑. Les applications de paiement ont des offres très agressives, et donc très compétitives. Pour Shares, c'est 1 € pour toutes les transactions jusqu'à 100 €, puis 1 % du montant total de la transaction au-delà.

Pour Trade Republic, c'est encore moins cher, puisque les clients ne doivent payer que 1 euro par transaction, quels que soient les volumes !

De son côté, Robinhood explique tout simplement être l'acteur le moins cher du marché. Rien que ça ! "Robinhood a les prix les plus bas d'Europe", assure un porte-parole de la société américaine qui vient de lancer son service crypto en Europe (25 cryptomonnaies sont disponibles).

Comment la plateforme américaine y arrive-t-elle ? Grâce aux volumes ? À des accords spécifiques ? Historiquement, son modèle économique repose sur la vente des énormes flux d'ordres passés par ses 25 millions de clients à des market makers (teneurs de marché).

Côté cryptos, Robinhood indique "travailler avec plusieurs exchanges pour fournir les prix les moins chers", selon son porte-parole, en renvoyant vers sa brochure en ligne. Nous avons relancé Robinhood pour en savoir plus, mais ils n'ont pas souhaité donner plus de détails.

Au-delà des débats sur le prix d'un tel ou d'un tel, les applications sont globalement moins chères que les brokers cryptos (Coinhouse, Bitpanda, etc.), qui fonctionnent avec des systèmes de commissions sous forme de pourcentage.

"Les brokers cryptos sont plus chers que les applications d'investissement. Tant que les marchés restent plutôt calmes, ça ne se verra pas trop, mais cela va assez vite devenir un sujet si les marchés remontent fort et que l'activité devient plus importante", explique un bon connaisseur du secteur.

👉 Il y a enfin l'argument "officieux", qui a une importance considérable :

La confiance dans les acteurs 100% crypto est au plus bas. "La chute de FTX a été un traumatisme pour beaucoup de gens", explique un investisseur européen. "Les clients veulent utiliser des plateformes dans lesquelles ils ont une confiance absolue", abonde de son côté Stanislas Chertok de Shares. "Notre objectif, c'est d'offrir une exposition financière au Web3 avec une expérience utilisateur et une sécurité héritée du Web2", ajoute-t-il.

Les applications d'investissement, qui sont fortement régulées, présentent de ce point de vue-là pas mal de garanties. Trade Republic vient, par exemple, d'obtenir une licence bancaire en Allemagne 👀.

Les courtiers se défendent

Face à cette offensive, les courtiers cryptos historiques veulent se rassurer. "Nous regardons évidemment ce que font ces nouveaux acteurs, même si pour le moment ils ne sont pas vraiment une menace", explique Nicolas Louvet, PDG de Coinhouse, un acteur historique en France qui revendique 500 000 clients (particuliers et entreprises).

Ils sont même pour certains une aubaine : Revolut, par exemple, utilise les services de Bitstamp en marque blanche. Sur les néo-banques Lydia et N26, l'activité crypto est déléguée à leur partenaire Bitpanda.

Mais pour combien de temps encore ? C'est toute la question. "Notre offre crypto n'est pas assez compétitive", reconnaît lui-même Stanislas Chertok, en précisant "pour le moment". "Nos services sont clairement plus étoffés", abonde de son côté Nicolas Louvet.

Les brokers crypto ont en effet l'avantage d'avoir une vraie profondeur dans l'offre. Bitpanda permet d'investir dans plus de 300 cryptos. De son côté, eToro donne accès à 80 cryptos, tandis que l'offre de Coinhouse ne couvre qu'une cinquantaine de cryptos, mais la société met en avant d'autres services comme le trading, l'accompagnement personnalisé - rendez-vous téléphoniques avec un conseiller - et la disponibilité des fonds.

Aujourd'hui, les applications d'investissement traditionnelles sont conçues pour faire des opérations occasionnelles ou alors des achats programmés. "Nous ne visons pas les investisseurs actifs", c'est-à-dire les traders, confirme Vincent Grard.

Il y a aussi la question de la disponibilité des fonds. Les clients des applications d'investissement comme Trade Republic, Revolut ou Robinhood ne peuvent pas retirer leurs fonds en cryptos. Les retraits ne sont disponibles qu'en monnaie fiat, c'est-à-dire en euro, en livre ou en dollar. "Cela viendra à un moment donné, mais pas pour l'instant", explique un porte-parole de Robinhood.

En outre, certaines d'entre elles n'autorisent pas les conversions crypto-crypto (elles imposent de repasser par du fiat avant de racheter une autre crypto), ce qui déclenche un événement fiscal (les opérations crypto-crypto ne sont pas imposées).

Il y a aussi la question du staking. Aucune des applications d'investissement traditionnelle n'offre ce type de service (hormis Revolut), alors que c'est devenu quelque chose de très demandé. "Nous offrons du staking sur plus de 30 cryptos, et ça marche très bien", se félicite Thomas Romain, responsable France du broker crypto Bitpanda, qui explique que "c'est très bien que ces nouveaux acteurs arrivent, ils montrent qu'il y a un vrai marché."

Signe que toutefois les choses évoluent, Coinhouse a annoncé hier une nouvelle grille tarifaire avec des prix beaucoup plus compétitifs. Le broker français va baisser ses frais d'achat de 2,99% à 0,99% (pour les achats via le compte euro Coinhouse ou par transfert bancaire) et ses frais de swap - entre cryptos - de 0,99% à 0,69%.

"Cette réduction de nos tarifs est rendue possible aujourd'hui par la croissance de notre base clients", explique Nicolas Louvet. Mais la montée en puissance de nouveaux concurrents n'y est évidemment pas pour rien. "Même si le marché se développe, il n'y aura pas de la place pour tout le monde", explique un bon connaisseur du secteur.

Le spectre des banques

Au-delà du cas des applications d'investissement, c'est surtout l'arrivée potentielle des banques qui pourrait transformer le secteur. "On parle depuis 15 ans de la perte de confiance dans les banques, mais en réalité les gens y sont toujours très attachés car ils y ont leurs habitudes", explique un investisseur crypto.

Même si Delubac est sur le point de lancer son offre crypto, aucune banque d'envergure n'est encore prête à sauter le pas. Mais les choses évoluent.

Selon nos informations, plusieurs banques européennes, notamment une Française, étudient très sérieusement la possibilité de permettre à leurs clients d'acheter et de vendre des cryptos. "À terme, ce qui me fait peur ce sont les banques, lâche Nicolas Louvet. Elles ont des millions de clients et si elles les activent, là ça pourrait vraiment faire mal."

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