Reading
Stablecoins : 13 projets majeurs comparés et analysés

Stablecoins : 13 projets majeurs comparés et analysés

Stablecoins : 13 projets majeurs comparés et analysésStablecoins : 13 projets majeurs comparés et analysés

Devenus des actifs fondamentaux pour le développement de l'écosystème, le nombre de stablecoins ne cesse de croître à tel point qu'il est parfois difficile de s'y retrouver. On fait le point.

Dans le monde en constante évolution des cryptos, les stablecoins occupent une place unique et cruciale. Alors que le bitcoin et l'ether sont réputés pour leur volatilité, les stablecoins promettent stabilité et fiabilité, offrant ainsi une alternative séduisante pour les investisseurs et les utilisateurs cherchant à éviter les montagnes russes des marchés.

Fin 2023, les stablecoins pesaient 8% du secteur crypto. Environ 45 se chargent de reproduire la valeur du dollar américain, tandis que 6 projets se concentrent sur l’euro (avec une part de marché de 0,02%). Ces derniers devraient néanmoins monter en puissance avec l’entrée en vigueur de la réglementation MiCA qui va les favoriser.

Ce rapport vise à fournir une analyse comparative des différents actifs disponibles sur le marché. Nous explorerons 13 projets, chacun avec ses propres caractéristiques, avantages et inconvénients. Notre objectif est de dégager une compréhension claire de ce que chaque stablecoin offre, et comment ils se positionnent les uns par rapport aux autres.

Nous avons basé notre analyse en nous appuyant sur les données de Bluechip, une organisation à but non lucratif américaine spécialisée dans la notation des stablecoins, celles de l’agence de notation américaine Standard & Poor’s, ainsi que des meilleurs experts contactés par nos soins.

👉 Tether, un leader qui pose question

L’USDT émis par Tether est le stablecoin le plus ancien (2014) et le plus utilisé du marché. À lui seul, il totalise trois quarts de l'offre en circulation avec une capitalisation atteignant les 90 milliards de dollars et des volumes de transaction bien supérieurs à ses concurrents avec une disponibilité sur 14 blockchains différentes.

Dans l’étude de Standard & Poor’s dévoilé le 12 décembre, l’USDT reçoit la note de 4 (sachant que 1 est la meilleure et 5 la pire). Sur Blue Chip, le stablecoin obtient un D. Cette sanction s’explique essentiellement par la mauvaise transparence de Tether. Par exemple, il existe très peu d'informations sur son organigramme ou ses partenaires bancaires. Sa réserve fait également l’objet de beaucoup de questions.

Depuis le 1er trimestre 2023, Tether publie un audit présenté comme "indépendant" et réalisé par la société BDO Italia. Mais cela n’a évaporé les doutes. “C’est un cabinet d’audit quasiment inconnu”, pointe un spécialiste.

Selon le dernier pointage datant du 30 septembre 2023, ses réserves étaient en majorité composées de :

  • 85,73% d'actifs liquides comme des bons du Trésor américain
  • 3,65% de "métaux précieux"
  • 1,92% de bitcoins

"En dépit des critiques, l’USDT n'a que très rarement connu de problèmes de depeg (perte de parité avec le dollar, ndlr) et tous les utilisateurs ont toujours été remboursés même dans les moments de stress important", explique Sébastien Derivaux, contributeur de l'écosystème MakerDAO et CEO de Steakhouse Financial, un cabinet qui accompagne les DAO. “Cette résilience lui permet de bénéficier d'un important effet réseau, ce qui explique qu'il reste aujourd'hui le stablecoin le plus utilisé du marché”, ajoute le Français.

Comme le précisait au printemps son CEO Paolo Ardoino dans une interview à The Big Whale, les principaux marchés de Tether ne sont "ni en Europe ni aux États-Unis" mais essentiellement "dans les régions où le système financier est le moins développé, c'est-à-dire en Asie du Sud-est, en Afrique et en Amérique du Sud".

Une manière de se détourner des zones où la réglementation est la plus exigeante et où Tether devrait perdre de l’influence dans les années à venir.

👉 L’USDC de Circle, l’anti-Tether

La réputation du deuxième plus grand stablecoin, avec près de 24 milliards de dollars en circulation, tranche radicalement avec celle de son principal concurrent, Tether. Sa société émettrice, Circle, offre davantage de garanties en termes de transparence.

Son organigramme est bien connu et elle revendique placer la régulation au cœur de sa stratégie de développement. En mars dernier, elle a notamment annoncé avoir déposé un dossier pour être enregistrée PSAN (prestataire de services sur actifs numériques) en France et devenir un établissement de monnaie électronique (EME), une licence qui sera indispensable pour continuer à proposer ses stablecoins en Europe à partir du 30 juin prochain (Circle émet également le stablecoin euro EUROC depuis 2022).

Ses partenaires bancaires sont connus, ainsi que son auditeur, qui n'est autre que le cabinet Deloitte. Ce dernier fournit un rapport mensuel sur l'état de ses réserves, exclusivement composées d'actifs comme des bons du Trésor américain, libellés en dollars et conservés dans des comptes ségrégués. Mais tout n’est pas parfait.

“Les affirmations de Circle selon lesquelles les réserves de l’USDC seraient à l’abri de la faillite n’ont pas encore été prouvées, ce qui le rend moins sûr que les stablecoins supervisés par le NYDFS (le régulateur new-yorkais, ndlr)”, déclare Vaidya Pallasena, en charge de la notation chez Bluechip. La preuve : l’USDC a momentanément perdu son indexation au dollar lors de la faillite de la Silicon Valley Bank au printemps dernier, une banque chez qui elle avait placé une partie de ses réserves.

Standard & Poor’s considère que l’USDC est l’un des projets les plus sûrs de l’écosystème, en lui attribuant un note de 2. Bluechip lui décerne la note de B+.

👉 Le DAI, roi des stablecoins décentralisés

Lancé fin 2017, le DAI (5,3 milliards de dollars de capitalisation) est le plus ancien des stablecoins décentralisés. Il a constitué une innovation importante car les investisseurs pouvaient déposer en garantie du bitcoin (via l’enrobage WBTC) et de l'ether en échange d’un rendement. C’était les prémices de la finance décentralisée (DeFi).

Le protocole MakerDAO assure l'émission. Étant donné la structuration de sa réserve (qui est en partie basé sur des actifs volatiles), le dispositif implique de surcollatéraliser pour se prémunir des variations et garantir la stabilité du DAI. Depuis quelques années il est également possible de générer des DAI avec des stablecoins centralisés comme l'USDC, le GUSD ou encore le USDP.

Émis sur Ethereum, le DAI est listé sur la plupart des grandes plateformes du marché et son mécanisme de stabilité a jusqu'ici toujours réussi à lui faire encaisser les chocs liés aux secousses de marché.

Actuellement, ses réserves sont en majorité composées de…

  • 47% de stablecoins centralisés comme le GUSD, l'USDC ou le PUSD
  • 21% d'ether
  • 28% d'actifs du monde réel (RWA) comme des obligations d'État (depuis 2023)

Le piratage informatique est l'un des risques majeurs qui pèsent sur le protocole. Ses smart contracts sont régulièrement audités par PeckShield, une société de sécurité de référence dans l'écosystème.

Même si le protocole dispose d'une organisation autonome décentralisée, sa gouvernance repose sur un poignée d’acteurs et cette relative centralisation est perçue comme un point faible.

“Les RWA augmentent et diversifient les revenus du protocole, mais aussi le profil de risque des actifs, car certains RWA introduisent un risque de crédit et sont moins liquides”, rappelle Standard & Poor’s qui attribue la note de 4 au stablecoin émis par MakerDAO. Bluechip est plus généreux et lui décerne la note B+.

👉 First Digital USD, le sauveur de Binance ?

Lancé en juin dernier à Hong Kong, il est émis par First Digital Group.

Ses réserves sont conservées par un dépositaire à Hong Kong dont l'identité n'a pas été révélée publiquement. Au 31 août dernier, ses réserves étaient composées à 79% de dépôts en espèces et de 20% de bons du Trésor américain à court terme.

En moins de 6 mois, son offre en circulation a presque atteint le milliard de dollars. Le principal moteur de cette croissance est la plateforme Binance, qui a commencé à le lister en août dernier et a supprimé les frais sur la paire BTC/FDUSD. Ce rapprochement de Binance s’explique par la disparition programmée en février 2024 du BUSD, le stablecoin “maison” de la plateforme d’échange. Ce dernier avait fait l’objet d’une interdiction par les autorités américaines.

Standard & Poor’s sanctionne le FDUSD avec un 4 en raison d’une absence de ségrégation des actifs. Bluechip n’est pas plus souple et lui attribue un C.

👉 PayPal (PYUSD), Paxos (USDP), Gemini (GUSD): les stablecoins supervisés

Moins populaires que l’USDT ou l’USDC, "ces trois stablecoins offrent actuellement les meilleures garanties pour les investisseurs particuliers car leurs réserves sont directement supervisées par le régulateur", explique Benjamin Levit, co-fondateur et CEO de Bluechip.

Concrètement, ils doivent respecter des exigences de contrôle et d'émission strictes, en de nombreux points similaires à la finance traditionnelle. En cas de faillite, les réserves peuvent être directement saisies par le Département des services financiers de l'État de New York (NYDFS) chargé de les superviser.

Ils ne sont pour le moment disponibles que via Ethereum, seul réseau autorisé par le régulateur, ce qui limite considérablement leur développement.

"Le fait qu'ils soient supervisés par les autorités et donc facilement censurables est un argument qui contribue à freiner leur adoption en dehors des États-Unis et de l'Europe, où cette caractéristique est importante”, indique Sébastien Derivaux. “Et pour l’Europe et les États-Unis, ils ne sont pour le moment pas très utiles puisqu'il existe déjà des solutions de paiement efficaces pour les particuliers", poursuit-il.

Leur offre en circulation est pour le moment de :

  • 441 millions de dollars pour le USDP
  • 156 millions de dollars pour le PYUSD
  • 150 millions de dollars pour le GUSD

Si Bluechip attribue la note A au PYUSD et au GUSD, celle du USDP n'est que de A- en raison de quelques désindexations épisodiques sur le cours du dollar et de sa liquidité moyenne sur les marchés secondaires.

De son côté, Standard & Poor’s offre une note de 2 au USDP et au GUSD grâce à la supervision dont ils font l’objet. Le PYUSD n’a pas été noté.

👉 LUSD, le stablecoin sans gouvernance

Ce stablecoin ne nécessite aucune gouvernance ni gestion de contrepartie puisque son mécanisme est entièrement automatisé. "En concevant un tel stablecoin, les créateurs de LUSD ont pris la décision d'éliminer les risques liés au jugement humain et de privilégier les risques techniques", explique Vaidya Pallasena, en charge de la notation chez Bluechip.

Il est émis en échange d’une garantie surcollatéralisée. Elle est fixée au minimum à 110% par le protocole. Elle est actuellement de 250%.

Pour le moment, le LUSD n’est pas listé par les principales plateformes d’échange du marché comme Coinbase ou Binance. Sa capitalisation de marché atteint actuellement les 185 millions de dollars.

“Pendant la majeure partie de son existence, le LUSD s’est négocié à un prix supérieur à un dollar ce qui peut avoir un impact non négligeable en rendant les coûts d’emprunt moins prévisibles pour les utilisateurs”, complète Brice Berdah.

Bluechip lui décerne l’excellente note de A, tandis que Standard & Poor’s ne l’a pas analysé.

👉 Le GHO (Aave) et le crvUSD (Curve) tentent de se faire une place

Ces deux stablecoins ont été lancés mi-2023 et leur indexation au dollar s’est avérée instable avec des difficultés plus importantes pour le GHO de Aave. Actuellement, aucune grande plateforme d’échange n’a accepté de les lister.

Disposer de leur stablecoin permet à ces deux géants de la DeFi de s’assurer des revenus supplémentaires tout en proposant un actif stable à leurs utilisateurs.

Le GHO de Aave est généré par le dépôt en garantie de cryptos comme l’ether. Pour le moment, il s’est négocié avec une décote de 2 à 3% par rapport au dollar américain. “Même si le GHO présente des risques faibles en matière de gestion, de décentralisation et de gouvernance, ses désindexations par rapport au dollar sont pour le moment son grand défaut”, analyse Brice Berdah, un expert en DeFi.

De son côté, le crvUSD de Curve dispose d’un mécanisme identifié comme plus robuste fonctionnant sur le modèle du “LLMMA”. Au lieu de liquider la garantie d’un utilisateur en une seule fois en cas de turbulences sur les marché, le protocole va la convertir progressivemnet. Ce mécanisme doit permettre d’éviter que de gros volumes de garanties soient déversés sur les marchés simultanément.

Brice Berdah reproche néanmoins au crvUSD “de faire varier de manière trop importante ses taux d’emprunt”.

À ce jour, leur capitalisation de marché s’établit à

  • 120 millions de dollars pour le crvUSD
  • 34 millions de dollars pour le GHO

Standard & Poor’s et Bluechip n’ont pas encore analysé ces projets.

👉 L'ambitieux agEUR d'Angle Protocol

Ce stablecoin décentralisé libellé en euro a été lancé par le projet d’origine française Angle Protocol. Sa capitalisation de marché est actuellement de 34 millions d'euros. Contrairement à la majorité des stablecoins décentralisés, les investisseurs n'ont pas l'obligation de sur-collatéraliser leur position pour générer du agEUR. Cela le rend beaucoup plus efficient.

"Nous pensons que la multiplication des stablecoins va entraîner un fractionnement de la liquidité. Dans cette optique, nous voulons nous positionner comme un liquidity hub permettant à la fois de générer du rendement et du stablecoin pour les institutionnels", explique à The Big Whale Pablo Veyrat, CEO d’Angle Labs, la structure commerciale à l’origine du protocole Angle.

La stabilité du agEUR repose principalement sur le dépôt de stablecoins (EUROC et USDC de Circle). Le risque de volatilité est en partie couvert par une plateforme de contrat à terme interne au protocole. C’est sa grosse originalité par rapport à Maker dont il se présente comme l’héritier le plus pertinent (même si leur taille est incomparable).

Hormis un décalage important observé mi-mars à la suite du hack du protocole Euler sur lequel la réserve d’Angle était exposée (qui s’est bien fini), le prix de l’agEUR est globalement resté stable depuis son lancement.

Standard & Poor’s et Bluechip n’ont pas encore analysé ce projet.

👉 CoinVertible (EURCV), le plus sûr en Europe

Lancé en avril dernier, c'est le seul stablecoin du marché à être émis par un acteur bancaire traditionnel. En l'occurrence, il s'agit de Société Générale via sa filiale SG-Forge, le seul acteur disposant à ce jour de l'agrément PSAN en France (à distinguer de l’enregistrement moins contraignant). C’est le plus haut niveau réglementaire en France dans le secteur des actifs numériques.

Beaucoup plus petit que la concurrence avec une capitalisation de 10 millions d’euros, son accès a été volontairement restreint en étant proposé qu’à des acteurs validés par Société Générale. Néanmoins, le EURCV est listé depuis début décembre sur la plateforme d’échange Bitstamp ce qui devrait accélérer son développement (mais il n’est pas encore possible de le retirer sur un wallet externe).

“Le EURCV est un actif numérique mais nous l’avons structuré comme un instrument financier traditionnel”, explique à The Big Whale Jean-Marc Stenger, CEO de SG-Forge. “S’il devait y avoir un problème, n’importe quel porteur de tokens pourrait aller voir l’agent fiduciaire (un trust indépendant de Société Générale) pour récupérer des euros. À notre connaissance, aucun stablecoin dans le monde n’offre un tel niveau de garantie.”

Standard & Poor’s et Bluechip n’ont pas encore analysé ce projet, mais il devrait obtenir une excellente appréciation lorsque ce sera le cas. À ce jour, sa réserve repose uniquement sur du cash (et non des obligations d’État) ce qui renforce encore sa stabilité.

👉 Le JPM Coin, le stablecoin de JP Morgan

Très différent des autres projets, ce stablecoin a pour but d’améliorer les transferts interbancaires au sein des flux de la banque américaine JP Morgan. Le géant a récemment déclaré gérer l’équivalent d’un milliard de dollars de transactions par jour.

En échange d’un dépôt en euro ou en dollar sur l’un de ses comptes bancaires, l’utilisateur reçoit l’équivalent en actifs numériques qui sont alors instantanément transférés via le réseau Onyx, une blockchain privée inspirée d’Ethereum garantissant la confidentialité des échanges et un haut débit de transaction. Le système promet de fonctionner 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

Le JPM Coin doit se distinguer car il a été conçu pour avoir une existence uniquement au sein de JP Morgan.

Tout ce qui compte en Web3. Chaque semaine.
25€/mois
12.5€/mois
Offre disponible jusqu’au 30.04.2024. 30 jours d’essai gratuit.
S'abonner