TBW Premium #20 : Ce que "cache" Tornado Cash
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Mais de l’autre côté, on serait aussi très tenté de dire "non". Car l’interdiction de Tornado Cash ne concerne pas seulement une application décentralisée utilisée par quelques criminels et, rappelons-le quand même, des dizaines de milliers de particuliers qui n’ont rien demandé. Elle concerne aussi plus largement un principe, celui du droit à l’anonymat dans l’univers numérique. Autrement dit notre droit de continuer à effectuer des opérations (payé, être payé, etc…) sans être traçables comme on peut le faire actuellement avec le cash 💸.
Car qui fixera la limite des interdictions ? Doit-on interdire Internet à cause de la pédopornographie ? Si tous les outils utilisés par les criminels sont bannis, il ne nous restera vite pas grand-chose. Surtout si c’est un gouvernement autoritaire qui prend le pouvoir. Avec la fin programmée de l’argent liquide et la multiplication des projets de monnaies numériques de banque centrale (MNBC), le droit à la vie privée dans l’univers numérique va devenir un sujet fondamental.
Ce débat n’est évidemment pas qu’américain. Il est mondial. Ces questions sont d’ailleurs actuellement discutées en Europe. C’est souvent dans ce qui peut paraître anecdotique que se cache les sujets essentiels. C’est une nouvelle fois le cas avec Tornado Cash.
Sinon dans le reste de l'actualité, le dernier testnet d'Ethereum "Goerli" a réussi à passer cette nuit de la preuve de travail à la preuve d'enjeu (algorithme moins gourmand en énergie). C'était la dernière étape nécessaire avant le passage définitif du réseau principal d'Ethereum à la preuve d'enjeu qui est prévu autour du 19 septembre 🚀.
THE BIG NEWS
NOS INFORMATIONS EXCLUSIVES
👉 MiCA : la réécriture a déjà commencé
Où en est la réglementation MiCA ? Un peu plus d’un mois après l’accord politique sur ce texte qui doit mieux réguler les cryptos en Europe, les équipes du Parlement et de la Commission sont déjà en train de le retravailler. L’objectif ? Lui donner une traduction plus pratique et moins "politique”" autrement dit le rendre plus concret. Jusque-là rien d’anormal. Or, comme on vous en parlait en juin, cette réécriture n’est pas forcément sans conséquences. "Avec un tel texte, ça se joue au détail", confirme une source bien au fait des négociations. En l’occurrence, si certaines parties de l’accord n’ont pas changé, d’autres ont subi quelques légères modifications. C’est notamment le cas de celle sur la finance décentralisée (DeFi), qui était pourtant quasiment totalement exclue des négociations. Selon la nouvelle mouture, que The Big Whale a pu consulter, les opérateurs et prestataires de services liés à la DeFi seraient désormais concernés par la réglementation avec toutes les obligations liées à la domiciliation en Europe et aux contraintes de contrôle des flux (identification des utilisateurs notamment).
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THE BIG ENQUÊTE
Football : Tous les clubs veulent leur fan token (ou presque) ⚽️
Par Clément Garcia
👉 L'actu. Les championnats de football européens démarrent une nouvelle saison.
👉 Le contexte. En moins de deux ans, les fan tokens se sont fait une place de choix dans l’industrie du ballon rond.
👉 Pourquoi c'est important. Ces jetons numériques représentent un nouveau moteur (notamment financier) pour les clubs.
Du bout des doigts, sur l’écran de son iPhone, Driss fait défiler les dernières informations du mercato. En ce mois d’août, son attention se focalise surtout sur la Juventus de Turin 🇮🇹. Ces dernières semaines, son équipe "préférée" n’a pas chômé et devrait encore boucler plusieurs transferts de joueurs assez cotés. "C'est en tout cas bien parti", se félicite le Parisien de 28 ans, qui espère que la nouvelle équipe du champion du monde français, Paul Pogba, fera une bonne saison, ce qui pourrait, entre autres, faire monter le prix du "fan token" du club.
Car Driss n’est pas un supporter comme les autres. C’est un détenteur de fan tokens de la Juventus Turin : le $JUV.
Comme lui, ils sont des milliers à détenir des tokens du club italien. Ces $JUV sont des jetons numériques inscrits sur une blockchain. Ils ne sont pas comme les NFT, c'est-à-dire uniques, mais ils donnent accès à un large éventail de services : places au stade, événements VIP, droit de vote sur la décoration du bus ou la musique d’entrée des joueurs sur le terrain. Plus on a de jetons, plus on a de l’influence sur le résultat des votes.
Les premiers tokens du genre sont proposés depuis 2019 par la société "Socios" enregistrée à Malte, et depuis, ils se sont fortement développés. Alors que les championnats européens reprennent en ce moment, plusieurs dizaines de clubs comme la Juventus Turin, le Paris Saint-Germain ou Manchester City ont déjà leurs fan tokens. Et d’autres équipes, un peu partout sur la planète, travaillent sur les leurs.
Mais pourquoi les clubs y ont-ils recours ? Comment en profitent-ils ? Quelles en sont les limites ? The Big Whale a mené l’enquête 🔍
Pour comprendre la “hype” autour des fan tokens, il faut revenir un peu en arrière, en décembre 2019, au lancement des tous premiers exemplaires, ceux justement de la Juventus de Turin.
À l’époque, ils ne sont qu’une idée sortie de la tête d’Alexandre Dreyfus, le fondateur de Socios, une start-up née en 2018 et dont Xavier Niel est l’un des discrets actionnaires. "Les tokens permettent de créer du lien et de l’engagement avec les supporteurs d’un club à travers le monde", explique le Français, qui a réussi à convaincre assez vite plusieurs grandes écuries prestigieuses. "Commencer avec des clubs comme la Juve a joué un rôle de catalyseur. On a tout de suite été plus crédibles", rembobine Alexandre Dreyfus, qui fait partie des cofondateurs du célèbre site de paris sportifs en ligne Winamax.
La crise du Covid
Mais le vrai plus de Socios a sans doute été la crise du Covid. Seulement quelques mois après le lancement du $JUV et d’autres tokens, la moitié de la planète s’est retrouvée confinée. Comme beaucoup d’activités, le football s’est arrêté, ce qui a eu un impact considérable sur l’industrie du ballon rond. Un seul chiffre : en 2020, l’arrêt prématuré du championnat de France a coûté un peu plus de 20 millions d'euros au PSG, selon le cabinet Deloitte. Même quand on s’appelle le PSG et qu’on dispose d’un budget annuel de 600 millions d’euros, une telle perte, sur seulement deux mois, fait tiquer.
La crise a accéléré la prise de conscience des clubs sur la nécessité de diversifier leurs sources de revenus, afin de ne plus dépendre seulement de la vente de joueurs, des droits TV, du merchandising et de la billetterie. "La grande majorité des supporters d'un club ne sont pas dans le stade et la plupart n'habitent même pas dans la ville ou le pays du club", résume Alexandre Dreyfus. En Asie, un club comme le FC Barcelone compte des millions de fans. Autant de clients potentiels à qui l’ont peu adresser des produits populaires et ludiques.
En Europe, Driss en est l’exemple parfait. Alors qu’il n’est jamais allé dans le stade de Turin, le Français se comporte exactement comme un tifosi - "supporter" en italien - et suit tous les matches à distance. "Les tokens permettent de créer du lien avec tous les supporters, ceux qui sont à l’intérieur, mais aussi ceux à l’extérieur du stade", explique un porte-parole du PSG. Un lien qui s’avère assez lucratif. Pour booster la diffusion de son token, le club italien de l’Inter Milan a même écrit le nom de son jeton l’an dernier sur son maillot, tout comme les Espagnols du FC Valence.
Car les clubs gagnent de l’argent avec les tokens. D’abord au moment de leur vente auprès du grand public : la vente des tokens du FC Barcelone en 2020 a par exemple généré plus d’un million d’euros de recettes. Socios et les clubs se répartissent les gains à 50-50. Les clubs touchent aussi de l’argent sur la revente entre utilisateurs des tokens sur le marché secondaire.
Au total, les revenus issus des tokens sont tout sauf négligeables. "C’est un excellent moyen de créer de nouvelles expériences et de monétiser l’influence des clubs à travers le monde", explique Bruno Belgodère, délégué général adjoint en charge des affaires économiques de Foot Unis, le nouveau syndicat unifié des clubs et ligues de football professionnelles françaises. On parle actuellement d’un marché de plusieurs centaines de millions d’euros. Avant la correction de 2022, celui-ci pesait même plus d’un milliard d’euros.
Combien les clubs gagnent-ils précisément ? Quels sont ceux qui récupèrent le plus ? Aucune des équipes sollicitées par The Big Whale (PSG, Monaco, Manchester City, Juventus Turin, etc.) n’a souhaité révéler le détail de ses revenus. Idem du côté de Socios, qui indique que les clubs ont globalement gagné 200 millions d’euros grâce à la vente de leurs tokens en 2021. À cause de la baisse des marchés, ce chiffre devrait toutefois être revu à la baisse en 2022.
Un secteur qui soulève encore des questions
Signe de la dynamique du secteur, Socios n’est aujourd’hui plus la seule société à proposer des fan tokens, et un concurrent de taille, la géant d’origine chinoise Binance, tente de creuser son sillon. Depuis 2021, la plus grosse plateforme d’échange crypto de la planète (lire notre interview de son patron), qui revendique plus de 100 millions de clients, a signé plusieurs partenariats avec des clubs comme la Lazio Rome en Italie, le FC Porto au Portugal et le FC Santos au Brésil. Sollicité, Binance n’a pas non plus souhaité faire de commentaires sur les revenus issus de cette activité.
Est-ce pour garder le voile sur une activité juteuse 🤑 que les clubs et les plateformes ne communiquent pas ? Ce qui est sûr, c’est tous les clubs de football n'ont pas encore franchi le pas. Certains ne le franchiront même peut-être jamais. "Tout le monde n'a pas cette culture et certains clubs veulent garder un vrai lien avec leurs supporters", glisse un consultant.
D'autres s’inquiètent des dérives financières du secteur. Car la limite entre le sport et la spéculation peut rapidement devenir assez floue. "Certains détenteurs de tokens ne sont pas uniquement là pour la passion du sport", avance prudemment Bruno Belgodère, pendant que d’autres observateurs ne prennent pas de pincettes : "Ce n’est que de la spéculation", glisse un bon connaisseur d’une activité encore très peu régulée.
À terme, il n’est pas impossible que les fan tokens soient catégorisés comme des jeux d’argent, à la manière du loto sportif classique. Sorare, la star française des NFT représentant des joueurs de football, est actuellement dans le radar de l’Agence nationale des jeux.
L’absence de régulation soulève également des doutes quant à de possibles manipulations de marché. Rien ne peut actuellement empêcher un club de racheter une partie de ses propres tokens avant l’annonce publique du recrutement d’une star qui ferait grimper le cours de son fan token. Idem pour un joueur qui s’apprêterait à signer un contrat avec un nouveau club… Dans le cadre de son arrivée au PSG, Lionel Messi a touché des tokens $PSG et il continue d’en toucher chaque mois avec son salaire. A-t-il reçu les premiers $PSG avant l’officialisation du contrat ? À l’annonce de son arrivée, le $PSG a en tout cas pris plus de 100% en 24 heures. Dans le monde traditionnel, une entreprise qui "jouerait" avec ses actions pourrait être attaquée pour délit d’initiés. Dans la crypto, c’est pour le moment plus flou.
En attendant, les fan tokens ne représentent encore qu'une goutte d’eau dans l'océan des revenus du football. Selon le site Cryptoslam, il y a que 20.000 détenteurs de fan tokens du FC Barcelone à travers contre le monde, contre plus de 140.000 socios, c’est-à-dire les membres de l’association qui gère directement le club. "Nous ne sommes qu’au début de la vague", explique Alexandre Dreyfus. Tout dépend de sa taille 🌊.
Avant d’investir dans un produit, l’investisseur doit comprendre entièrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.