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Toncoin : l'histoire secrète de la résurrection de la crypto de Telegram

Toncoin : l'histoire secrète de la résurrection de la crypto de Telegram

Toncoin : l'histoire secrète de la résurrection de la crypto de TelegramToncoin : l'histoire secrète de la résurrection de la crypto de Telegram

Abandonnée en 2020 sous la pression des États-Unis, la cryptomonnaie de la populaire messagerie Telegram a finalement vu le jour et s'est rapidement imposée parmi les plus gros projets du secteur. Enquête sur un revirement mystérieux sur lequel nous levons le voile.

On ne va pas vous mentir, on ne l'avait pas vraiment vu venir (ou plutôt revenir). Le projet de cryptomonnaie de Telegram, l'application de messagerie chiffrée d'origine russe, était censé avoir été tué dans l'œuf après une ICO (levée de fonds en cryptomonnaies) de 1,7 milliard de dollars jugée illégale par le régulateur financier américain.

C'était en 2020.

Mais quatre ans après l'accord entre la SEC et Telegram ayant mis fin au projet, ce dernier renaît de ses cendres, plus ou moins indépendamment de l'entreprise.

Le token Toncoin caracole actuellement dans le classement des dix plus grosses capitalisations du secteur avec près de 16 milliards de dollars, devant des projets majeurs comme Chainlink, Polygon ou Uniswap. Le Toncoin est l'une des sensations de 2024 avec une progression de plus de 180% depuis le début de l'année.

Si l'histoire de la blockchain TON fait encore l'objet de nombreux mystères sur lesquels nous allons lever le voile via des documents exclusifs que The Big Whale s'est procuré, il est indispensable de revenir au début.

Une ICO en partie déguisée pour financer Telegram

Ce qu'il faut comprendre dans la genèse de la crypto de Telegram, c'est qu'elle a initialement été conçue comme un moyen détourné de financer l'activité de la messagerie qui ne gagnait pas d'argent jusqu'en 2022. Le problème, c'est que cet aspect avait été dissimulé aux investisseurs de l'ICO, qui croyaient uniquement financer une blockchain, comme certains d'entre eux nous l'ont confirmé.

Telegram, dont la création remonte à 2013, a historiquement été financé par les fonds de son fondateur russe Pavel Durov, dont l'essentiel de la fortune provient du fruit de sa première entreprise, VKontakte, l'équivalent russe de Facebook dont il a été évincé par Moscou en 2014.

Mais à mesure que Telegram se développait (900 millions d'utilisateurs aujourd'hui), il devenait de plus en plus urgent de générer des revenus alors que ses coûts en serveurs explosaient.

Pavel Durov avait d'abord refusé d'introduire des publicités sur son application (avant de revenir dessus fin 2021) et dès 2017, alors que le boom des cryptomonnaies battait son plein, il a eu l'idée de lancer une blockchain baptisée TON dotée d'une cryptomonnaie native (le "gram") qui serait utilisée au sein de la messagerie pour proposer des services financiers, à la manière de PayPal, mais avec un fonctionnement sans frontière et décentralisé.

Sur le papier, l'idée avait du sens et s'inscrivait dans la dynamique de Facebook qui souhaitait, à la même époque, lancer son projet Libra, une sorte de cryptomonnaie disponible mondialement et intégrée à son écosystème social.

Le "gram" conçu comme une monnaie de masse

Pour lutter contre la volatilité des cours, Telegram proposait d'inventer un principe de réserve algorithmique. Il s'agirait d'une sorte de banque centrale fondée sur un algorithme, chargée de procéder à des rachats ou des ventes de grams. La nouvelle cryptomonnaie aurait ainsi un régulateur international et automatisé, sans qu'aucune intervention humaine n'entre en compte dans le processus.

"Le gram était conçu pour être une monnaie de masse utilisée à des fins de consommation", expliquait Pavel Durov le 15 janvier 2020 lors d'un interrogatoire privé mené par le régulateur américain, dont The Big Whale s'est procuré la transcription.

Il poursuit : "Nous espérions nous appuyer sur les idées de réseaux décentralisés plus anciens tels que Bitcoin et Ethereum, et améliorer considérablement leur vitesse, leur évolutivité et leur facilité d'utilisation, afin que les consommateurs qui souffrent des limitations de ces réseaux puissent bénéficier d'un service plus efficace et atteindre leurs objectifs de manière plus efficace et conviviale, de sorte que, par conséquent, la cryptomonnaie résultante pourrait atteindre une adoption plus large et être utilisée dans le commerce et toutes sortes d'applications pour une gamme étendue de finalités."

Le milliardaire français Xavier Niel parmi les investisseurs

En janvier 2018, Telegram publie le livre blanc de son projet. Quelques semaines plus tard, une ICO (Initial Coin Offering) est lancée par l'entreprise. En quelques jours, l'opération recueille 850 millions de dollars auprès d'investisseurs privés (ticket minimum à 20 millions de dollars). Une seconde opération est lancée mi-février (ticket minimum d'un million de dollars), portant le total à 1,7 milliard de dollars.

Des fonds de capital-risque prestigieux ont participé à l'opération, dont Kleiner Perkins, Benchmark et Sequoia, trois structures historiques de la Silicon Valley. Nous sommes également en mesure de confirmer que les Français Xavier Niel (fondateur et patron de Free) et Marc Simoncini (fondateur de Meetic) ont également participé.

Philippe Rodriguez, patron d'Avolta Partners, une banque privée française qui avait investi 15 millions de dollars pour le compte de plusieurs clients, se souvient : "J'y voyais une opportunité formidable : avec son adoption mondiale et son réseau bien établi, Telegram aurait pu réussir là où les autres blockchains ont échoué. Nous n'avons compris que plus tard que les fonds avaient servi à financer Telegram et pas uniquement le projet, mais nous étions prêts à prendre le risque tant il avait du potentiel".

Le choix de ne viser que des investisseurs aux poches profondes (et non le grand public comme c'était traditionnellement le cas lors des ICO de cette époque) s'explique par le fait que certains d'entre eux étaient censés devenir les premiers validateurs de ce réseau fonctionnant en preuve de travail, un algorithme de consensus similaire à celui du Bitcoin et nécessitant une importante puissance de calcul informatique.

"Nous avons uniquement admis des individus fortunés et des fonds établis dans le placement privé car ils étaient capables de payer pour la puissance de calcul nécessaire au processus de validation, car, à ma connaissance, le coût de location ou d'acquisition de matériel pour la validation, bien que considérable pour une personne moyenne, peut être considéré comme négligeable par rapport aux montants des fonds investis par chacun des investisseurs", justifiait Pavel Durov devant les enquêteurs de la SEC en 2020.

Philippe Rodriguez (Avolta Partners) : "C'étaient leurs conditions, à prendre ou à laisser"

Selon ces audiences privées menées entre l'entrepreneur et le gendarme financier américain, Telegram devait assurer le développement de l'infrastructure et décentraliser la gouvernance du projet au moment du lancement du token. L'entreprise prévoyait de ne pas détenir de tokens après le lancement, néanmoins 52% des tokens émis au lancement auraient dû être sous la gouvernance d'une fondation sous influence de Telegram.

"Nous n'avons pas eu la possibilité de modifier une virgule sur le contrat d'investissement que nous avons signé avec eux", se remémore Philippe Rodriguez. "C'étaient leurs conditions, à prendre ou à laisser, ce qui est très rare lorsqu'on investit des sommes aussi importantes", indique-t-il.

Mais en octobre 2019, soit près de deux ans après la levée de fonds, c'est le choc pour les participants du projet : la puissante SEC, bras armé financier du gouvernement américain, annonce poursuivre Telegram sur le motif que l'opération constituait une émission de titres financiers non enregistrés et que cela rentrait dans sa juridiction car l'entreprise visait des investisseurs américains.

Quelques mois plus tard, le 27 juin 2020, le projet est stoppé net. Telegram s'engage à restituer les fonds non utilisés (1,3 milliard de dollars) aux investisseurs, ou bien à les rembourser intégralement moyennant un bonus de 10% sous forme de prêts avec une échéance plus longue. L'entreprise accepte également de payer 18,5 millions de dollars et d'abandonner le projet.

"Tout cela est allé très vite, nous avons reçu les fonds 15 jours plus tard, mais ce qui est gênant dans cette histoire c'est que les 400 millions de dollars manquants ont été majoritairement utilisés pour financer l'entreprise Telegram", regrette Philippe Rodriguez.

Mais qu'allait-il advenir de l'infrastructure développée pendant près de deux ans et dont les premiers tests avaient été concluants ? C'est là que les choses deviennent très intéressantes et qu'un brouillard vient épaissir le projet.

L'influence de Telegram sur les équipes ayant repris le code source

"Les frères Durov ont ensuite décidé de mettre le projet en open source, permettant à n'importe qui d'utiliser son code source et concevoir sa propre blockchain à partir du travail accompli jusqu'à présent", explique Philippe Rodriguez.

Plusieurs équipes sont alors entrées en compétition, dont TON (qui est le projet que nous connaissons aujourd'hui), mais également "Free TON" qui a depuis pris ses distances avec le projet original.

TON est une blockchain développée par une fondation basée à Zoug (Suisse) dénommée The Open Network. Cette dernière est également responsable du développement du portefeuille numérique TON Space qui a été intégré à Telegram en septembre 2023. Ce dernier est accessible pour quiconque résidant hors des États-Unis.

Regardez l'interview d'Anthony Tsivarev, directeur du développement de l'écosystème pour la TON Foundation :

À ce jour, la grande question que tout le monde se pose est de savoir à quel point l'entreprise Telegram est impliquée dans le projet actuel, alors qu'elle avait assuré à la SEC qu'elle cessait de le développer…

"Même si les frères Durov ont annoncé publiquement qu'ils se retiraient du projet en 2020, j'ai quand même l'intuition qu'ils exercent une forme d'influence indirecte dans TON", souffle Philippe Rodriguez. En effet, Telegram reste un système encore très fermé et on imagine mal un wallet avoir été intégré à leur application sans une implication directe. "Ce qui est sûr, c'est qu'ils ne commenteront jamais cet aspect car ils n'ont pas intérêt à le faire", prévient le banquier.

On ne peut qu'applaudir le tour de force, car malgré les poursuites de la SEC et l'arrêt présumé du projet initial, la vision de TON est finalement très proche de celle portée par ses initiateurs : offrir un système de paiement crypto décorrélé des monnaies étatiques et disponible sur une application de communication d’amplitude mondiale.

Telegram réussit là où Facebook a échoué

D'une certaine façon, TON est en train de réussir là où Facebook a échoué, en réussissant à favoriser l'émergence d'une cryptomonnaie de masse sans susciter l'ire des États et des régulateurs. "Ce que la SEC reprochait au projet initial, c'était d'avoir vendu des titres financiers illégaux aux investisseurs américains, mais dans la version actuelle il n'y a rien de tout ça", souligne Philippe Rodriguez.

Preuve de son influence grandissante, la blockchain TON accueille depuis le 19 avril une version du stablecoin USDT de Tether, la cryptomonnaie indexée sur la valeur du dollar la plus diffusée dans le monde (112 milliards de dollars de capitalisation). Avec l'USDT, il est désormais très facile de s'échanger du dollar au sein de Telegram.

"TON a le potentiel pour révolutionner les paiements dans le monde, en combinant la puissance de l'une des applications de messagerie les plus populaires, Telegram, avec le stablecoin dollar le plus populaire au monde", confie à The Big Whale Paolo Ardoino, le patron de Tether. "Telegram, avec près d'un milliard d'utilisateurs actifs, et l'USDT, avec plus de 300 millions d'utilisateurs à travers le monde, sont parfaitement adaptés pour créer une nouvelle expérience de paiement et de gestion de patrimoine", se réjouit-il.

"La valeur totale immobilisée dans l'écosystème TON a grimpé de 260 millions de dollars un mois seulement après notre annonce, soulignant l'intérêt que les utilisateurs voient dans un système financier démocratisé et sans frontières", ajoute Paolo Ardoino. "Il existe une demande claire pour que le commerce mondial s'adapte aux nouvelles voies de paiement et nous sommes impatients d'ouvrir la voie avec TON", note-t-il.

Quelles sont les prochaines étapes désormais ?

Avec un partenaire tel que Tether, Telegram a le potentiel pour devenir un équivalent à WeChat, la puissante application sociale chinoise par laquelle transitent des milliards de dollars de paiements chaque année. "Ce qui est en train de se passer est hyper intéressant, car malgré ses démêlés avec les autorités américaines, Telegram va parvenir à réaliser sa vision initiale", conclut Philippe Rodriguez.

Ce contenu s’inscrit dans le dossier complet réalisé sur l’écosystème TON

> Analyse fondamentale du Toncoin (TON)

> Analyse fondamentale du Notecoin (NOT)

> Vidéo : Interview de Anthony Tsivarev, directeur de l’écosystème à la Fondation TON

> Vidéo : Interview de Martin Masser, STONfi, le plus gros DEX de TON

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