The Big Whale : Paris vient d’accueillir en un mois la Paris Blockchain Week et NFT Paris, qui sont deux événements majeurs dans le Web3. Qu’en pensez-vous ?
Bilal El Alamy : C’est une excellente chose. Les deux événements sont très différents. NFT Paris est plus tourné vers les particuliers, tandis que la PBW est vraiment devenue un événement dédié aux entreprises.
Mais globalement ce qui est intéressant, c’est que ces événements et les milliers de personnes qu’ils attirent mettent Paris au centre de l’écosystème mondial 🌍.
Justement, comment voyez-vous l’écosystème français, et plus largement l’écosystème européen ? Nous sommes dans une période qui n’est pas simple…
Nous avons clairement vécu une période hors norme avec beaucoup d’argent, de projets, de promesses et d’abus. Les scandales de 2022 ont sonné la fin de la récréation et laissé un goût amer à beaucoup de gens.
Le crash de FTX a fait un mal fou au secteur. Là, nous sommes encore dans la période où les choses retombent, mais il faut vite collectivement réagir pour que l’amertume soit passagère.
Comment faire ?
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Il faut que le Web3 et les cryptos ne soient pas qu’une promesse. Les gens doivent voir des cas concrets. Le Web3 a besoin de son ChatGPT, qui a propulsé l’intelligence artificielle 🧠 auprès du grand public.
En deux mois, ChatGPT est devenu un outil utilisé par plus de 100 millions de personnes. Je pense que les NFTs peuvent avoir ce rôle d’accélérateur parce qu’ils permettent d’avoir une approche concrète et pas seulement financière.
Dogami est un jeu de chiens basé sur les NFTs ? Est-ce un cas d’usage “concret” du Web3 ? 🐶
Évidemment qu’on ne va pas tout changer avec Dogami. Mais je trouve que le jeu vidéo est un très bon moyen d’attirer des gens dans le Web3. Avec Dogami, vous créez votre wallet, vous vous familiarisez avec la technologie.
Quel est le principal challenge de l’écosystème Web3 ? Dans une récente interview avec The Big Whale, Eric Larchevêque a évoqué une certaine “immaturité”.
Il a raison, c’est exactement cela. J’entends encore trop souvent certains expliquer que le Web3 va tout révolutionner, qu’il va tout changer, que les choses sont simples, que l’on peut tout maîtriser en quelques semaines avec des vidéos sur Youtube. Évidemment que l’on peut apprendre plein de choses sur Youtube, mais il faut être sérieux sur ce que cela implique.
Qu’est-ce que les pouvoirs publics peuvent faire pour accélérer l’adoption ?
Le discours est positif, il y a une vraie évolution depuis quelques années. Reste que l’on pourrait faire beaucoup plus. Sorare est un très bon exemple à ce niveau-là. C’est l’un des poids lourds du secteur, mais ils doivent quand même se battre pour ne pas être requalifiés en jeux d’argent.
Et sur l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ?
L’ACPR n’a jamais été très tendre. L’AMF est plus souple, mais il y a eu beaucoup de départs dans ses équipes, ce qui ne facilite pas les choses. Le plus intéressant, c’est de voir où sont partis les gens de l’AMF : chez Ledger, chez Binance…
Qu’est-ce qui est le plus compliqué pour un entrepreneur du Web3 ?
Honnêtement, c’est de parler et de convaincre les gens qui ne sont pas de l’écosystème. Il y a une statistique que je trouve assez parlante : il y a actuellement 2500 offres d’emplois liées au Web3 en France. Nous ne sommes qu’au tout début, l’adoption du Web3 va prendre au moins 15-20 ans. Il faut en avoir conscience.
Vous êtes passé par de nombreuses phases ces trois dernières années avec des hauts et des bas. Comment allez-vous ?
Très bien. Je n’ai même jamais été aussi heureux je pense. Pour être honnête, l’entrepreneuriat n’est pas simple, surtout sur les premières années : vous pensez que vous allez changer le monde, vous avez beaucoup d’énergie, mais assez vite, vous vous rendez compte qu’il y a de la concurrence. Je suis passé par pas mal de phases, et les choses ont changé début 2021.
Que s’est-il passé ?
C’était fin 2020. À l’époque, j’étais focalisé sur Equisafe, qui est une plateforme de gestion des back offices des sociétés basée sur la blockchain. Nous étions censés faire une levée avec un fonds d’investissement (2 millions d’euros, ndlr), et nous nous sommes fait planter la veille. Vraiment la veille. Je m’en souviens encore, c’était un 31 décembre (rires).
Il me restait un mois pour payer les loyers de la société. J’ai avancé un peu d’argent, et ça m’a juste laissé le temps de relever des fonds avec d’autres business angels et de changer l’offre d’Equisafe.
Qu’avez-vous changé ?
Il y a encore deux ans, nous formions nos clients pour qu’ils utilisent eux-mêmes la plateforme, mais c’était relativement compliqué. Aujourd’hui, c’est nous qui gérons pour eux le produit. C’est beaucoup plus simple. Grâce à cela, Equisafe s’est bien développé, et j’ai ainsi pu créer PyratzLabs.
Pourquoi ce projet ?
Je me suis juste rendu compte que je n’avais pas assez d’impact avec Equisafe. C’est un super projet, mais pour créer une nouvelle infrastructure financière, il faut plein d’autres briques technologiques, et cela prend du temps, or, j’avais envie de faire d’autres choses, d’aider des entreprises à se développer, et quoi de mieux qu’un start-up studio pour faire ça ? C’est l’outil parfait.
Vous avez lancé Dogami quasiment au même moment ?
Oui, c’était entre mars et juin 2021. Dogami a été l’un des premiers projets de PyratzLabs.
Est-ce que certaines start-up de PyratzLabs sont en difficulté ?
Là, nous arrivons dans la phase des 12-18 mois qui sont cruciaux pour une start-up. Celles qui ont levé 500.000 euros en 2021 arrivent au bout et elles doivent relever. Est-ce qu’elles vont réussir à le faire ou alors disparaître ? Je mentirais si je disais que toutes vont réussir à lever des millions.
Aujourd’hui, PyratzLabs occupe une grande partie de votre temps. Comment voyez-vous votre rôle ?
Mon ambition est de faire en sorte que PyratzLabs fasse 3 choses : l’accompagnement, l’éducation et l’investissement.
Jusqu’à aujourd’hui, nous faisions notre investissement avec les fonds que nous avions, mais ce n’est pas simple à piloter, donc nous avons créé un premier fonds de 3 millions d’euros.
Qui a mis de l’argent ?
Des family office et des fondations de blockchains comme Tezos et Polygon.
Ce ne sont que des family offices Web3 ?
Non pas seulement.
Quels sont vos projets pour 2023 ?
Je vais beaucoup travailler sur la dimension accompagnement de PyratzLabs.
Il y a deux pôles sur l’accompagnement : le premier, c’est le studio. Ce sont nos idées, notre argent et nos équipes. Ce pôle a notamment donné naissance à Dogami début 2021. Et nous avons l’accélérateur : là, ce sont les idées des autres que nous allons accompagner.
Il y a un troisième pôle que nous sommes en train de développer : c’est une sorte d’intrapreneuriat avec des corporates du CAC40. Nous allons lancer deux sociétés communes avec des grands groupes. Une dans les jeux vidéos et une autre dans le consumer/retail.
Combien de personnes y’a-t-il chez PyratzLabs ?
Nous avons à peu 30 personnes.
Comment fonctionne PyratzLabs concrètement ?
Notre fonctionnement est assez simple. L'argent que nous gagnons avec des start-up, nous le réinvestissons dans de nouvelles start-up, et ainsi de suite. Grâce à ce modèle, nous nous sommes créés un beau portefeuille. Aujourd’hui, il y a déjà une trentaine de sociétés dans PyratzLabs.
Quel est votre but en faisant tout ça ?
Je suis un hyperactif, j’adore faire des choses. Le Web3 est un terrain de jeu immense. Mon ambition c’est de faire en sorte que tout le secteur se développe, grandisse, mûrisse..
Qu’est-ce qui selon vous va marquer l’année 2023 ?
Je pense que ça va clairement être l’arrivée des entreprises. De plus en plus de grands groupes s’intéressent au sujet. On le voit en France, mais aussi un peu partout dans le monde. Ce point est fondamental parce que les grands groupes ont un nombre d’utilisateurs considérable.
Quels sont les secteurs les plus concernés ?
Je dirais davantage la consommation. Je vais me focaliser sur cette thématique cette année avec PyratzLabs.
Pourquoi voulez-vous vous focaliser davantage sur PyratzLabs que sur vos autres activités ?
Mon obsession est de comprendre là où j’ai le plus de valeur, là où j’apporte quelque chose en plus au collectif, et en l’occurence c’est en accompagnant les start-ups au sein de PyratzLabs. Je suis très bon dans la prise de décision, j’adore tester les choses et après y aller, avancer.
Est-ce que vous auriez un exemple ?
J’aime l’art et je viens de cofonder une galerie à Barcelone. Si j’avais trop réfléchi, je ne l’aurais pas fait. C’est la même logique pour Equisafe : je viens de la finance, donc nous avons créé Equisafe. Idem sur les jeux vidéos avec Dogami. Ma devise, c’est que nous n’avons rien à perdre, mais tout à gagner.
D’où vient le nom PyratzLabs ?
Il y a plusieurs explications. D’abord c’est une mentalité, il faut y aller, essayer, et après on avise. Et puis c’est une bonne allégorie de l’entrepreneuriat. L’entrepreneuriat, c’est prendre prendre la mer, aller vers l’inconnu. Et la piraterie, c’est aussi challenger le statu quo. ☠️
En parlant de prendre le large. Quelles sont vos ambitions en Europe, et peut-être encore plus largement ?
Pour l’instant, nous sommes très français. Nous avons des projets en Europe, en Estonie, en Suisse, mais cela reste limité.
Est-ce que vous avez l’impression que l’écosystème européen est en avance ?
À Londres, Berlin, Zurich, ça bouge. Il y a de très bons projets. C’est ce qu’on essaye de faire avec l’association MetaCircle. Aujourd’hui, il nous faut un mapping des projets européens.
On ne va pas se mentir, il se passe des choses, c’est top, mais vu que ça ne communique pas, les projets qui se font à Paris, se font à Berlin et à Londres, et ça n’a pas trop d’intérêt. Le risque c’est que tout le monde se marche sur les pieds en Europe.
Avez-vous d’autres projets d’entreprises dans les tuyaux ?
Oui bien sûr ! Nous sommes en train de développer “Secured”, un protocole de finance décentralisée (DeFi). Nous avons amélioré les modèles mathématiques existants. Nous avons montré qu’ils sont meilleurs que Aave, Morpho ou Compound.
Nous avons aussi amélioré la gestion du collatéral avec une notation des collatéraux en AAA, BBB comme les agences notation pour avoir une vision du risque.
Quand est-ce que cela sera disponible ?
Secured sera disponible très bientôt. Aujourd’hui, les protocoles DeFi sont très simples. Il y a les dépôts et les retraits, sauf qu’il faut pouvoir monter des stratégies et pas seulement déposer et emprunter de l’argent.