TBW #33 : Le mirage de la centralisation đŹ
Retrouvez toutes les informations de la 33Ăšme newsletter Premium de The Big Whale.
â
Il y a encore 10 jours, SBF nous expliquait que âtout allait bienâ (son interview est ici). Cette nouvelle âaffaireâ est un vĂ©ritable avertissement pour un secteur qui doit absolument mĂ»rir. Pourquoi avoir recours Ă des pratiques qui rappellent le pire de la finance traditionnelle ?
De notre cĂŽtĂ©, nous croyons fermement au Web3, Ă la philosophie quâil y a derriĂšre, et au fait que la âdĂ©centralisationâ ne doit pas ĂȘtre quâun slogan, mais une pratique du quotidien.
Dans cet univers qui nâest pas forcĂ©ment simple Ă apprĂ©hender, vos armes sont un hardware wallet de type Ledger pour conserver vos cryptos, des applications comme Ledger Live, Metamask, Rabby ou Frame pour interagir avec la finance dĂ©centralisĂ©e, ainsi que des protocoles comme Paraswap ou Aave pour Ă©changer vos cryptos et les faire fructifier.
Cela vous oblige évidemment à protéger votre clé privée, mais la liberté financiÚre a un prix. Et il le vaut largement !
THE BIG NEWS
NOS INFORMATIONS EXCLUSIVES
đ Influenceurs : Bercy consulte le secteur
On vous en parlait la semaine derniĂšre : les autoritĂ©s europĂ©ennes đȘđș veulent encadrer les pratiques des influenceurs, notamment en les obligeant Ă rendre publics leurs liens dâintĂ©rĂȘt avec les projets qui les financent. Câest ce que prĂ©voit le futur rĂšglement MiCA qui entrera en vigueur en 2024 (au mieux). ParallĂšlement Ă cela, les Ătats europĂ©ens avancent, eux aussi, sur leurs propres dispositifs. La France a commencĂ© Ă travailler sur un systĂšme de âcertificationâ des influenceurs - mais pas que crypto - qui serait disponible dĂšs 2023 et contrĂŽlĂ© par lâAutoritĂ© des marchĂ©s financiers (AMF). Les consultations avancent. Selon nos informations, le TrĂ©sor, rattachĂ© au MinistĂšre des Finances, a reçu plusieurs acteurs de la finance et de la crypto (plateformes notamment) Ă ce sujet. Dâautres rendez-vous sont prĂ©vus. On en saura plus dâici lĂ .
ÂÂÂÂÂTHE BIG STORY
Vous avez aimé MiCA ? Vous allez adorer la suite
Le rĂšglement europĂ©en MiCA nâĂ©tait quâune mise en bouche. Dâautres textes sont dĂ©jĂ dans les tuyaux (NFT, DeFiâŠ), et lâeffondrement Ă©clair de FTX pourrait pousser lâUE Ă accĂ©lĂ©rer sur un âMiCA 2â.
Peter Kerstens est un homme plutĂŽt discret. Mais depuis quelques semaines, le monsieur âstabilitĂ© financiĂšreâ de la Commission europĂ©enne (il dirige la DG Fisma) multiplie les interventions publiques.
Son sujet de prĂ©dilection ? La rĂ©glementation crypto, et plus particuliĂšrement le dĂ©sormais âfameuxâ rĂšglement MiCA (Market in Crypto-assets), qui doit poser un premier cadre au secteur crypto.
Le texte sera définitivement adopté dans les semaines qui viennent, le temps de faire toutes les traductions, avant une entrée en vigueur en 2024.
Fin octobre, Peter Kerstens intervenait lors dâun Ă©vĂ©nement organisĂ© Ă Bruxelles par lâassociation Blockchain for Europe. âMiCA est absolument indispensable. Il va permettre au secteur de se dĂ©velopper tout en protĂ©geant mieux les utilisateursâ, a expliquĂ© le haut fonctionnaire belge, devant une salle Ă moitiĂ© vide. Heureusement que nous Ă©tions lĂ đ .
CâĂ©tait 10 jours avant que lâAmĂ©ricain FTX, qui Ă©tait en train de sâimplanter en Europe, nâexplose en plein vol. Vous avez tous les dĂ©tails de lâaffaire ici.
Que prévoit MiCA ?
Plusieurs choses :
- Un agrĂ©ment europĂ©en pour les plateformes. Cet agrĂ©ment (CASP) nâest pas obligatoire, mais seules les entreprises qui lâauront pourront faire de la publicitĂ© et dĂ©marcher des clients en Europe. LâagrĂ©ment sera disponible Ă partir de 2024 et les plateformes auront 18 mois pour se mettre en conformitĂ©.
- Lâobligation dâinformer les clients sur lâempreinte environnementale des crypto-actifs. Les CASP devront donner le mix Ă©nergĂ©tique utilisĂ© par chaque crypto. Vu les divergences sur les mĂ©thodes de calcul, on leur souhaite bon courage !
- Les plateformes devront vĂ©rifier lâidentitĂ© du propriĂ©taire dâun self hosted wallet (la mention unhosted wallet a sautĂ©) si une opĂ©ration passe par eux.
â
La chute de FTX aurait-elle pu ĂȘtre Ă©vitĂ©e avec MiCA ? Impossible de le savoir, mais dĂ©jĂ , Ă Bruxelles, certains veulent en faire davantage đ§.
âAprĂšs la chute de Luna au printemps, ce qui vient de se passer avec FTX montre Ă quel point la rĂ©gulation est nĂ©cessaireâ, souffle une source Ă la Commission europĂ©enne. Un MiCA 2, plus contraignant pour les plateformes, pourrait ainsi ĂȘtre envisagĂ© assez vite.
En attendant, il y a dĂ©jĂ dâautres textes dans les tuyaux, sur la finance dĂ©centralisĂ©e, les NFT, lâidentitĂ© ou lâeuro numĂ©rique.
MĂȘme sur les stablecoins, qui sont concernĂ©s par MiCA, les choses doivent ĂȘtre prĂ©cisĂ©es.
On fait le tour des dossiers chauds đ„
Petite précision : aucun des députés européens sollicités, dont la Française Aurore Lalucq, n'ont accepté de répondre à nos questions.
1/ Les stablecoins
Les stablecoins sont concernĂ©s par MiCA, mais contrairement aux dispositions sur les âplateformesâ, celles sur les stablecoins ne sont pas encore trĂšs claires.
Le vrai sujet concerne les stablecoins dollars qui, rappelons-le, représentent 99% du marché mondial.
Quel est le âproblĂšmeâ ? Au moment de finaliser MiCA, le Trilogue (Commission, Parlement, Conseil) a rajoutĂ© un dĂ©tail de poids qui concerne les stablecoins non indexĂ©s sur lâeuro : les volumes quotidiens en zone euro ne peuvent pas dĂ©passer les 250 millions de dollars ; le texte ne prĂ©cise pas si ce sont uniquement les volumes sur les exchanges.
Or la plupart des stablecoins dollars dĂ©passent ce seuil. En Europe, les volumes sur lâUSDC dĂ©passe le milliard de dollars, selon Circle la sociĂ©tĂ© Ă©mettrice. En cas de dĂ©passement, MiCA prĂ©voit que les stablecoins non indexĂ©s sur lâeuro devront repasser en dessous de 250 millions de dollars (personne ne dit comment đ€Ż) ou tout simplement sâarrĂȘter. âCâest une maniĂšre de tuer les stablecoins dollarsâ, souffle un bon connaisseur du secteur.
De nombreux acteurs cryptos plaident pour que cette limite de volumes ne concernent que les âpaiementsâ, et pas les Ă©changes dans lâunivers crypto.
Seront-ils entendus ? LâAutoritĂ© europĂ©enne des marchĂ©s financiers (ESMA) et lâAutoritĂ© bancaire europĂ©enne (EBA) doivent prĂ©ciser ce point dans les mois qui viennent.
En attendant, et sans doute pour éviter tout problÚme, plusieurs géants américains comme Circle ont lancé leur propre stablecoin euro (notre interview avec Jeremy Allaire).
InterrogĂ© par The Big Whale, Circle, qui est lâĂ©metteur du stablecoin dollar USDC (2e plus gros de la planĂšte) nâa pas fait de commentaire spĂ©cifique et a expliquĂ© vouloir ĂȘtre âen conformitĂ©â avec la rĂ©gulation europĂ©enne.
2/ NFT
Jusquâau dernier moment, les NFT ont failli ĂȘtre intĂ©grĂ©s dans MiCA, avant dâĂȘtre finalement Ă©cartĂ©s.
Pourquoi ? Tout simplement parce que lâUnion europĂ©enne nâa de compĂ©tences quâen matiĂšre financiĂšre.
Si un NFT est considĂ©rĂ© comme un produit financier, alors elle peut les rĂ©guler. Si en revanche, les NFT sont considĂ©rĂ©s comme des oeuvres dâart, des biens ou des produits de consommation, elle nâa aucune latitude. Et câest lâoption qui a Ă©tĂ© choisie, sauf pour certains NFT associĂ©s Ă des produits financiers, notamment dans la finance dĂ©centralisĂ©e. âMais leur dĂ©finition reste encore trĂšs floueâ, explique Simon Polrot, responsable de lâEuropean crypto initiative (EUCI), un lobby prĂ©sent Ă Bruxelles.
LâUnion europĂ©enne a prĂ©vu de rĂ©guler les NFT. Un rapport, pilotĂ© par la vice-prĂ©sidente du Parlement europĂ©en, Eva Kaili, doit ĂȘtre rendu au premier semestre 2023 sur le sujet. Les pistes de ce rapport ne sont pas encore claires. âLâobjectif est de dĂ©finir juridiquement les NFTâ, explique lâĂ©lue grecque.
Certains sâinquiĂštent toutefois que la rĂ©gulation pĂ©nalise le secteur. âCa nâaurait pas de sens de rĂ©guler les NFT. Ce serait comme rĂ©guler les PDFâ, explique ClĂ©ment Tequi, responsable du Capsule Corp. Labs, le laboratoire qui accompagne des projets sur la blockchain Ternoa. âIl faut appliquer aux NFT la rĂ©glementation qui correspond Ă la nature du sous-jacentâ, ajoute-t-il.
3/ DeFi
Câest sĂ»rement lâun des dossiers les plus chauds Ă Bruxelles. Il y a deux semaines, la Commission europĂ©enne a publiĂ© un rapport sur la DeFi, qui doit servir de base pour la rĂ©gulation du secteur.
Le rapport nâimpose aucune direction prĂ©cise. âCe qui est une trĂšs bonne choseâ, souligne Simon Polrot. Il met sur la table toutes les options possibles.
- Une supervision complÚte des protocoles par les autorités (autorités financiÚres et bancaires européennes).
- Une supervision plus granulaire. Seuls les plus gros protocoles seraient concernés, selon des critÚres de volumes notamment.
- Une supervision des blockchains pour détecter les anomalies.
Le seul point qui reste trĂšs compliquĂ© Ă adresser est celui de la politique de KYC (Know your customers). Comment faire pour sâassurer de lâidentitĂ© dâutilisateurs qui ne veulent pas forcĂ©ment la rĂ©vĂ©ler. âIl va y avoir un grosse bataille Ă ce niveau-lĂ â, confirme une source Ă la Commission europĂ©enne.
La Commission sâest laissĂ©e quelques mois pour avoir des retours du secteur. Dans la foulĂ©e, elle va prĂ©parer un premier projet de texte sur le sujet. Il devrait ĂȘtre prĂȘt pour le premier semestre 2023.
4/ Le portefeuille numérique
Ce projet nâest pas liĂ© Ă MiCA, mais il pourrait avoir des consĂ©quences directes sur lâindustrie.
A partir de 2024, tous les EuropĂ©ens auront un portefeuille numĂ©rique âpublicâ. Ce wallet doit permettre de stocker lâidentitĂ© numĂ©rique des EuropĂ©ens, autrement dit son passeport, ses diplĂŽmes, son pass vaccinal... Et demain ses cryptos ?
Si rien nâest prĂ©vu Ă ce sujet, il est tout Ă fait envisageable dâutiliser la clĂ© privĂ©e du wallet pour gĂ©rer un portefeuille crypto. âOn peut imaginer un systĂšme oĂč on a un wallet europĂ©en liĂ© Ă une blockchain europĂ©enne sur laquelle on apporterait des documentsâ, explique un porte-parole de lâEuropean Blockchain Services Infrastructure (EPSI).
â
THE BIG FOCUS
Europe : OĂč est le âlobbyâ crypto ?ÂÂÂ
Alors que lâindustrie ne cesse de se dĂ©velopper, elle peine encore Ă vraiment peser Ă Bruxelles.
ÂÂFaites le test. Allez Ă Bruxelles et demandez Ă des responsables de la Commission ou des Ă©lus europĂ©ens de passage sâils voient beaucoup les acteurs de la crypto. Leur rĂ©ponse sera souvent la mĂȘme : âHonnĂȘtement, pas trop.â
Certains comme Circle - qui est Américain - sont présents. Mais cela reste une petite minorité...
Les raisons de ce manque de poids sont connues : lâindustrie est trĂšs jeune et de nombreux responsables politiques ne prennent pas encore la crypto trĂšs au sĂ©rieux. âIl y a un gros dĂ©ficit dâimageâ, explique Karel Lannoo, responsable de lâEuropean Credit Research Institut, un think tank europĂ©en spĂ©cialisĂ© sur la rĂ©gulation financiĂšre.
Pas sĂ»r que l'Ă©pisode FTX-Binance soit trĂšs efficace de ce point de vue đ .
Un problĂšme financier ?
Le lobbying est aussi une activitĂ© qui coĂ»te cher. Plusieurs syndicats europĂ©ens comme lâEuropean crypto Initiative (EUCI) tentent de peser, mais leurs moyens ne leur permettent pas de faire beaucoup plus que des rapports et des analyses. âCe nâest pas avec nos moyens actuels que lâon peut faire tout le travail de terrain pour aller convaincre les responsables politiquesâ, explique Simon Polrot, directeur de lâEUCI.
Ă titre de comparaison, Meta met chaque annĂ©e plusieurs millions dâeuros pour faire du lobbying. Ă lui seul, le groupe de Mark Zuckerberg dispose de plus de 10 personnes Ă Bruxelles qui vont multiplier dĂ©jeuners et prises de contact avec les cercles de pouvoir đ.
Alors quelle solution ? Certains plaident pour que les entreprises du secteur donnent davantage. âIl y a dĂ©jĂ de lâargentâ, balaie le responsable dâun grand groupe français. Mais les initiatives sont trop Ă©clatĂ©es, avec des structures en France, en Italie, en AllemagneâŠ
âIl faut que les syndicats se rĂ©unissentâ, explique de son cĂŽtĂ© Dimitrios Psarrakis, devenu lobbyiste Ă Bruxelles au sein du GBBC Digital Finance aprĂšs avoir travaillĂ© comme conseiller Ă la Commission sur MiCA. La seule question est de savoir sous quelle ombrelle.
Â
Cette Ă©dition a Ă©tĂ© prĂ©parĂ©e avec â€ïž par RaphaĂ«l Bloch et GrĂ©gory Raymond. The Big Whale est un mĂ©dia libre et indĂ©pendant. En nous soutenant, vous participez Ă son dĂ©veloppement.
Â
Avant dâinvestir dans un produit, lâinvestisseur doit comprendre entiĂšrement les risques et consulter ses propres conseillers juridiques, fiscaux, financiers et comptables.